Un grand film, indépendamment du livre qui est immense.
C'est bien John Ford, cinéaste du héros américain solitaire, qu'il fallait pour adapter et filmer l'histoire tragique de la destinée collective de ce peuple.
"Ce n'est pas une question de moral. On est obligés d'y aller" répond Henry Fonda à un pompiste s'étonnant de voir cette famille si enthousiaste quant à sa traversée du désert future. Remplaçons par morale et nous traversons la frontière entre l'homme agissant pour des valeurs et celui par nécessité.
Dans ce désert, ce sont toujours les plus forts qui dominent. Mais pas le plus fort. Les héros doivent en effet coopérer pour travailler ou pour lutter. L'individu isolé ne peut plus exister dans ce nouveau far-west.
John Ford filme ce camion transportant la famille Joad comme une diligence, ou plutôt comme un cheval à l'agonie. Il est le seul espace commun qui reste aux Joad et pourtant on n'en voit jamais l'intérieur. Ford n'hésite pas à faire des gros plans sur les visages creusés par la vieillesse, la fatigue ou les blessures, mais se refuse à violer leur dernière propriété.