Comment ne pas se sentir soulevé-e par les derniers mots d’Henry Fonda dans les raisins de la colère?
Au bout de deux heures d’identification aux souffrances des personnages subissant des injustices s’empilant sur d’autres injustices formant une montagne absurde de bêtise humaine, comment ne pas se sentir révolté-e ?
{petit résumé: Henry Fonda joue un jeune homme qui sort de prison au moment de la grande dépression aux États Unis après la crise de 1929, il découvre que l’ensemble de la communauté de paysan-nes dont faisait partie sa famille migre vers une autre partie des États-Unis où on leur promet un paradis où ils pourraient travailler et gagner leur vie, seulement pour se rendre compte qu’iels ne sont pas les seul-es à vouloir de ce paradis du travail. Dans ce faux paradis la plupart des travailleur-euses meurent de fin pendant qu’une petite minorité est payée une bouchée de pain par les patrons, qui ont un moyen de pression : l’ensemble des travailleur-euses mourant de fin et cherchant du travail à tout prix ; et un moyen de conserver leur position dominante par la coercition : la police.}
Le film aurait pu s’intituler « le marxisme pour les nuls » (d’ailleurs c’est pour cette raison que je n’ai le droit de donner le titre d’aucun film à Hollywood à l’heure actuelle), et j’ai été assez amusé en me disant qu’il recevrait aujourd’hui un accueil plus que mitigé aux États-Unis, ce pays où l’équivalent d’un François Hollande serait probablement qualifié de dictateur communiste.
Cela dit, le film ne date pas d’hier et il a tout de même reçu un certain nombre de récompenses, et elles étaient méritées !
Le personnage d’Henry Fonda, qui sort de prison au début du film (il aurait pu sortir d’un coma, ça aurait été beaucoup moins subtil et bien cliché mais le résultat narratif aurait été à peu près le même j’ai l’impression, mis à part que le passage en prison justifie le caractère à la fois téméraire et un peu rebelle d’Henry Fonda) découvre complètement le monde, les règles et normes formelles et informelles qui le régissent, tout comme le spectateur. Il découvre ce monde de vices et d’oppressions à la manière d’un nouveau né ayant tout à apprendre, ou plutôt à la manière de l’enfant du conte des habits neufs de l’empereur: après avoir posé des questions que les autres préfèrent ne pas se poser par peur du ridicule (et un peu aussi de la prison) il est le seul à oser crier que le roi est nu.
Et c’est à travers ces questions qu’Henry Fonda ose poser tout au long du film, que l’analyse (d’un œil relativement critique) du système capitaliste se déroule. Elle rappelle les cours de SES de lycée, et met en relief de façon finalement très pédagogique bon nombre de modes de reproduction et de maintien de ce système, réfutant complètement l’idée d’une « main invisible »smithienne, car ici la main policière apparaît partout.
Les raisins de la colère est très clairement un film encore actuel et pertinent dans une grande partie de son analyse.
Quoi qu’il en soit, je me suis amusé à imaginer (réellement uniquement pour la blague) la suite de l’histoire : Henry retourna ainsi sur les chemins, aida les plus démuni-es et rencontra de nombreuses personnes, il parla avec elles de ses idées et projets. Peu à peu il ne fut plus tout seul, des gens venus de partout dans le monde le rejoignirent, et ainsi, Henry Fonda l’Internationale :)