L’on ne sort pas indemne d’un tel film. Chantal Akerman nous plonge plus ou moins dans sa propre vie de cinéaste, parcourant l’Europe, au gré de ses tournages et de ses rencontres. La première rencontre est beaucoup plus qu’une simple « coucherie » dans un hôtel où la rencontre physique n’aura pas lieu et sera avoortée. Cependant la rencontre se fera le lendemain à la fois grave et cruelle. Le duo a les mêmes racines douloureuses avec envie de s’en extirper. Sauf que lui, il reste depuis des années dans cette Allemagne blafarde et fantomatique, vivant avec sa mère et sa petite fille. À l’écoute, Anna partage un repas familial avec cet homme, interprété par Helmut Griem, qui s’est livré comme jamais à elle sur son propre parcours douloureux. La Shoah est largement esquissée. Le lieu de vie de cet homme est triste et glauque. Anna n’a qu’une envie, de le fuir. Elle s’en va vite rejoindre la gare pour prendre le train qui doit l’emmener à Paris. Derrière le roulis assourdissant du train, deux hommes, une femme se racontent. Le teint diaphane et sans fard, Aurore Clément interprète avec brio Chantal Akerman, une femme semblant «ailleurs», absorbée dans ses pensées tout en écoutant ces hommes se livrer. Ils arrivent à Paris et Anna prend un taxi pour rejoindre son amant Daniel, joué par Jean-Pierre Cassel. On assiste à un rdv manqué, les deux ne sont pas synchro du tout au moment de leur désir de l’un pour l’autre. Daniel la désire mais tombe malade au moment crucial. Anna doit parcourir Paris en taxi à la recherche de médicaments pour soulager la fièvre de Daniel. Lorsqu’elle rentre à l’hôtel à ses côtés, un massage du dos à son amant réveille son désir mais il l’a repousse. Ces deux-là semblent bien se connaître et le duo/couple crève l’écran. Cependant Anna part désappointée retrouver le vide de son appartement et écouter les messages plus ou moins importants de son répondeur. Elle reste allongée sur son lit, livrée à elle-même et sa profonde tristesse. Un film empreint de spleen qui ne peut pas ne pas vous atteindre. Il laisse des traces indélébiles et durables, du fait de son intemporalité et universalité.