Premier long d’une femme réalisatrice, laquelle ne fait pas dans la dentelle. L’on attendait enfin, un film indien, dénonçant la culture du viol. Sandhuya Suri n’y va pas de mains mortes. Santosh, après le décès de son mari, vit dans sa belle famille au sein de laquelle on lui reproche de ne pas porter suffisamment le deuil et de rester à ne pas travailler. Elle va s’affranchir de cette malveillance à son égard, en endossant l’uniforme de son mari, non sans avoir respiré une dernière fois les effluves de l’odeur imprégnée sur les vêtements de celui qu’elle aimait, sans avoir eu le temps d’avoir un enfant de lui. Elle obtient ce poste au sein de la police, conformément au « recrutement compassionnel » en vigueur dans le Pays. Cette femme va être confrontée à la violence, la corruption qui règnent en Inde. Elle va s’endurcir, soucieuse d’enquêter sur le viol et la mort d’une gamine de 15 ans. Encadrée, soutenue et encouragée par une chef Sharma, interprétée par Sunita Rajwar, une femme de fer, Santosh sort de sa zone de confort et va se heurter à l’innommable! On la voit déambuler seule, la nuit, à Nehrat, avec les risques que ça comporte, prête à ne rien lâcher pour retrouver le coupable idéal. Géolocalisation, interrogatoire de personnes qui auraient pu l’avoir connu, croisé ou même sachant où il se cache. Santosh est novice dans ce rude métier et elle a des doutes sur la culpabilité du jeune recherché. Les méthodes musclées de la police, les propos sexistes, elle les bravent, toute à sa recherche de vérité. Elle tombera de haut. Entre corruption et violence de la police et du gouvernement, elle devra s’accrocher et finira par comprendre de quoi il retourne. Certaines castes, en Inde, sont intouchables. La culture du viol et des violences sexuelles sur mineures ne sont pas prêtes de s’arrêter. Le film est quasi documentaire mais aussi un très beau portrait de deux femmes paradoxalement à l’opposé. L’une, endurcie, habituée à gérer par la violence les méfaits (crimes) commis sur gamines mineures, l’autre (Santosh), effarée des méthodes utilisées qu’on lui impose de pratiquer. Très belle scène sur le quai de gare, train en partance pour Mubaī, Santosh ayant troqué son costume de policière pour un sari bien plus féminin, entraperçoit un couple heureux et amoureux, lequel lui rappelle sa vie d’avant, le drame de son couple, le bonheur perdu. Un final qui laisse un peu d’espoir, lorsqu’elle n’a pas 10 roupies à donner à une fillette vendant des biscuits sur le quai de la gare, Santosh lui offre sa boucle en or de piercing du nez. Devika, la victime, signifie « Déesse ». Envie de dédier ce film à toutes les petites déesses en Inde mais également dans tous les pays du Monde, où le viol et meurtre restent impunis, où les récidives sont le reflet d’une société qui « ferme » les yeux sur les violences faites à la moitié du genre humain. Une femme s’est emparée de ce fléau en Inde. Il était temps. Reste à savoir si ce film coup de poing va faire enfin bouger les choses. Film sélectionné dans la catégorie « Un certain regard » à Cannes en 2024. Une phrase de Gandhi, citée dans le film : «La propreté est un devoir sacré», renvoie à la saleté émergente de ce bouleversant témoignage de l’Inde actuelle. Shahana Goswami (Santosh) et Sandhya Suri (la réalisatrice) sont à suivre. Excellent casting, film prometteur ! Les événements survenus en Inde en 2014 : viol (commandité par de vieux patriarches) par treize hommes sur une jeune fille, issue d’un milieu rural éloigné, moderne, partie travailler à la ville, ayant pu acquérir un lopin de terre et l’affaire du viol collectif de New Delhi en 2012 ect..ne font que confirmer ce que la réalisatrice dénonce dans son film, intitulé « Santosh , qui signifie « Contentement ou satisfaction » est curieux comme titre, à savoir : personne à forte personnalité ? Je m’interroge.