Les Rivières pourpres, c’est le cinéma français qui veut faire du cinéma américain, plus précisément du thriller des années 90. La démarche est tout à fait louable et le résultat plutôt à la hauteur en termes de savoir-faire. L’atmosphère, à mi-chemin entre Seven et Le Silence des agneaux, sait être glauque avec ses cadavres mutilés, ses grandes pluies et ses courses-poursuites dans le froid polaire. Le choix des paysages alpins est une très chouette idée pour donner une certaine identité. Avec le recul, l’intrigue, mais aussi l’atmosphère générale, fait aussi penser à la vague des thrillers scandinaves. Autrement dit, c’est bien typé, et la réalisation de Mathieu Kassovitz n’a rien à envier à ses pairs américains.
Le film ne manque donc pas d’atouts : la photographie est franchement réussie, la dynamique de l’ensemble s’articule avec classe, les thèmes abordés font référence aux meilleures intrigues de l’époque. Le duo composé de Jean Réno et de Vincent Cassel a franchement de la gueule même si certains passages et dialogues, parfois mal écrits, donnent l’impression qu’ils ne jouent pas toujours juste. Mais, surtout, c’est le côté très caricatural de leurs personnages qui empêche l’efficacité totale de la sauce. En profiler du pauvre, Jean Reno peine à être toujours convaincant tandis que Vincent Cassel en jeune flic chien fou en fait des caisses. Davantage de nuances dans leurs profils auraient certainement été plus heureux. Mais c’est le défaut majeur du film qui, à force de vouloir marcher sur les traces du thriller américain, oublie d’avoir sa propre identité. De ce fait, le début du film parait très maladroit et factice. Désireux de nous faire pénétrer dans un univers, Mathieu Kassovitz en fait trop et cela sonne terriblement faux.
Le grand souci du film, et c’est le point qui revient systématiquement, c’est son final. Entre des révélations mal amenées, une résolution pour le moins confuse et décevante, et une dernière séquence qui vire au grand n’importe quoi, le résultat laisse une mauvaise impression. C’est franchement dommage car l’ensemble ne démérite vraiment pas et la deuxième partie (qui voit les deux protagonistes réunis) fonctionne efficacement. Il en résulte un film qui alterne les bons et les mauvais moments et qui paraît en-deçà de son potentiel. C’est dommage car avec une fin mieux maîtrisée et des aspects ridicules gommés (la culture des combats à la Steven Seagal qui tombe là comme un cheveu sur la soupe), on aurait pu obtenir un thriller français de référence.