L'Empereur réussit un tour de force.
Sous couvert d'un film noir, celui-ci livre une critique virulente de la société Japonaise. Une plaidoirie implacable contre la corruption qui gangrène le milieu des affaires et de ses hauts fonctionnaires.
Kurosawa pouvait se targuer d'avoir fait naître des oeuvres intemporelles, et qui resteront à cette place sans l'ombre d'un doute. La raison de cet éloge est simple, et elle concerne Les Salauds dorment en paix ─ notons que Scandale (Shubun, 1950) joue également dans ce registre là ─ qui persiste à rester d’actualité en hissant le portrait de la classe politique et du domaine financier qui n’ont cessé d’être bousculés par divers événements souvent dramatiques, au mieux scandaleux.
La théâtralité des scènes se manifeste à travers des décors sophistiqués et à la mise en scène ingénieuse de son cinéaste. La vision surréaliste des situations qui se déroulent sous nos yeux est impactée, en partie, par ces rôles détonateurs, l'un d'eux est tenu par Mifune le magnifique qui oscille entre son charisme dévastateur et ses sentiments aux accords de vengeance.
A fiortiori, tout le temps nécessaire est pris pour développer chaque personnage. Leur comportement et l'analyse de tous leurs faits et gestes ne sont pas fortuit(e)s. L'intelligence de la trame réside dans son efficacité à mêler l'escalade de la corruption et les échos dans la famille du présumé coupable.
Les œillades pris au dépourvu lourds de sous-entendus, et les petites gênes qui semblent sans prétention, expriment le malaise omnipotent qui règne tout le long. Certains plans ciblés sur la posture d'un participant permettent d'anticiper ce qui peut ou va arriver. C'est ainsi un moyen perspicace d'insister sur les faiblesses humaines et les dérives qui peuvent être tout autant psychologiques que gestuelles.
Une fresque longue, mais passionnante dès son introduction, d'une durée de presque trois heures où rien n'est laissé au hasard, où l'espoir et la réalité s'entrechoquent, afin d'étayer une sombre dénonciation du système bureaucratique et des organismes qui façonnent les grandes décisions.
Le titre du film résume justement le message qui le caractérise... Les hommes nuisibles sont des salauds qui dorment peinard dans la pénombre d'une société qu'il ont mis dans un profond désordre. Autrement, videz vous de tout ce qu'il y a d'humain en vous, et devenez de purs salauds, comme eux.