Sous couvert d'un film noir, celui-ci livre une critique virulente de la société Japonaise. Une plaidoirie implacable contre la corruption qui gangrène le milieu des affaires et de ses hauts fonctionnaires.

Kurosawa pouvait se targuer d'avoir fait naître des oeuvres intemporelles, et qui resteront à cette place sans l'ombre d'un doute. La raison de cet éloge est simple, et elle concerne Les Salauds dorment en paix ─ notons que Scandale (Shubun, 1950) joue également dans ce registre là ─ qui persiste à rester d’actualité en hissant le portrait de la classe politique et du domaine financier qui n’ont cessé d’être bousculés par divers événements souvent dramatiques, au mieux scandaleux.

La théâtralité des scènes se manifeste à travers des décors sophistiqués et à la mise en scène ingénieuse de son cinéaste. La vision surréaliste des situations qui se déroulent sous nos yeux est impactée, en partie, par ces rôles détonateurs, l'un d'eux est tenu par Mifune le magnifique qui oscille entre son charisme dévastateur et ses sentiments aux accords de vengeance.

A fiortiori, tout le temps nécessaire est pris pour développer chaque personnage. Leur comportement et l'analyse de tous leurs faits et gestes ne sont pas fortuit(e)s. L'intelligence de la trame réside dans son efficacité à mêler l'escalade de la corruption et les échos dans la famille du présumé coupable.

Les œillades pris au dépourvu lourds de sous-entendus, et les petites gênes qui semblent sans prétention, expriment le malaise omnipotent qui règne tout le long. Certains plans ciblés sur la posture d'un participant permettent d'anticiper ce qui peut ou va arriver. C'est ainsi un moyen perspicace d'insister sur les faiblesses humaines et les dérives qui peuvent être tout autant psychologiques que gestuelles.

Une fresque longue, mais passionnante dès son introduction, d'une durée de presque trois heures où rien n'est laissé au hasard, où l'espoir et la réalité s'entrechoquent, afin d'étayer une sombre dénonciation du système bureaucratique et des organismes qui façonnent les grandes décisions.

Le titre du film résume justement le message qui le caractérise... Les hommes nuisibles sont des salauds qui dorment peinard dans la pénombre d'une société qu'il ont mis dans un profond désordre. Autrement, videz vous de tout ce qu'il y a d'humain en vous, et devenez de purs salauds, comme eux.

Créée

le 23 août 2013

Critique lue 963 fois

39 j'aime

4 commentaires

Eren

Écrit par

Critique lue 963 fois

39
4

D'autres avis sur Les salauds dorment en paix

Les salauds dorment en paix
Sergent_Pepper
8

Les uns corruptibles, et les autres.

Il faut vraiment voir une grande part de la filmographie de Kurosawa pour prendre la mesure de sa maitrise éclectique, ainsi que celle de son comédien fétiche Mifune. Camouflé sous sa gomina et ses...

le 17 janv. 2015

71 j'aime

9

Les salauds dorment en paix
Alexis_Bourdesien
8

Greed is Good !

J’aime Kurosawa. Je peux même dire que je l’adore. J’ai commencé à découvrir sa filmographie il y a un peu moins d’une année, et je suis rapidement tombé amoureux de ce réalisateur et de ses œuvres...

le 9 avr. 2014

45 j'aime

13

Les salauds dorment en paix
Eren
9

L'Empereur réussit un tour de force.

Sous couvert d'un film noir, celui-ci livre une critique virulente de la société Japonaise. Une plaidoirie implacable contre la corruption qui gangrène le milieu des affaires et de ses hauts...

Par

le 23 août 2013

39 j'aime

4

Du même critique

Babylon
Eren
10

Mille & une cuites

On le sait depuis quelques jours, le film de Chazelle a fait un gros bide pour son entrée au cinéma. Je ne vais pas m’étaler sur la question du pourquoi et du comment de ce bide, même si cela a...

Par

le 6 janv. 2023

125 j'aime

25

Les Sentiers de la gloire
Eren
10

La Fureur de l'Étranger

Je la tiens pour de bon. L'oeuvre de Stanley Kubrick la plus touchante et humaine. Pour moi j'entends... L'oeuvre qui, quand on me citera le nom de son réalisateur, me reviendra à l'esprit avant...

Par

le 8 févr. 2014

122 j'aime

7

Mad Max - Fury Road
Eren
8

POPOPO !!

Un putain de grand concert dans un monstrueux désert, flambé par le talent de confectionneur de ce cher Miller qui, au contraire d'être avantagé, aurait pu être surmené par l'handicap que génère ce...

Par

le 14 mai 2015

118 j'aime

5