Deuxième film noir de Kurosawa après Chien enragé (1948), il correspond à une nouvelle étape dans la carrière du réalisateur car il est maintenant également producteur et jouit d'une plus grande liberté dans le traitement de ses sujets.
Le film commence par une très longue séquence de vingt minutes au cours d'un repas de mariage, où à la manière d'une pièce de théâtre l'intrigue va lentement se mettre en place au gré des conversations de table en table. Nishi (Toshirô Mifune) épouse la fille du vice-président d'un groupe de construction. Au cours du repas, un chef de bureau et le trésorier de la société sont arrêtés sous la présomption d'une affaire de pots-de-vin et de marchés truqués avec l'office de la mairie. L'ambiance devient d'autant plus pesante qu'on apprend qu'un cadre de la société s'est suicidé cinq ans plus tôt en sautant d'un immeuble que la société venait de réaliser.
Nishi, qui est le secrétaire du vice-président en plus de son gendre, est rapidement suspecté de participer à un jeu trouble. Il va manipuler à leur insu les différents membres du cartel qui vont peu à peu comprendre que quelqu'un cherche à les éliminer. Mais qui aurait intérêt à se venger ? Et surtout pourquoi ?
On découvre plus tard que Nishi est le fils du cadre qui s'était suicidé -- ou avait été aidé à sauter de l'immeuble -- et qu'il a conçu un plan très cynique pour se venger du cartel, "puisque les lois ne peuvent rien contre ces gens-là". Après avoir changé d'identité et intégré la société, ainsi que la famille du vice-président, il avancera ses pions pour faire tomber les responsables de la mort de son père un par un.
Si la fin semble bâclée -- et c'est le seul reproche qu'on peut adresser au film par ailleurs haletant -- l'ambiance est poignante dans ce registre noir et dénonce avec force la corruption et les méthodes des grands groupes qui participent à la reconstruction du pays et les pouvoirs publics. On y voit également une critique des fonctionnaires japonais et d'un système où chacun à son niveau est conditionné pour couvrir sa hiérarchie. Enfin, on y découvre un système judiciaire japonais très dur, avec ses gardes à vue de vingt jours, la possibilité d'être arrêté à nouveau en changeant de motif d'inculpation...