C'est lors du mariage de sa fille qu'Iwabuchi, président d'une grosse société, voit la police arrêter deux de ses employés dont son comptable, accusé notamment d'avoir reçu des pots-de-vin.
C'est au cœur des grandes sociétés et des pratiques mafieuses que nous emmène Akira Kurosawa avec son premier film produit par ses soins. Il met en avant les failles des grandes industries, leurs dirigeants et de la société japonaise dans son ensemble mais aussi la noirceur humaine et, avec Les Salauds dorment en paix, il va la pousser à l'extrémité et la mettre face à ses limites. Entre meurtres, jeux de dupes, obscurités, il mène son récit avec brio, sachant retranscrire tous les thèmes qu'il aborde et leurs particularités.
Alors, je reste tout de même légèrement déçu par le manque de tension en milieu de récit et ce malgré un début et une fin remarquable, orchestrant donc quelques longueurs évitables. De plus, Les Salauds dorment en paix manque d'une vraie puissance dramatique comme Kurosawa a su en mettre dans d'autres de ses œuvres et, sans être totalement préjudiciable, c'est tout de même dommage pour un film qui brille par plusieurs aspects. Excepté cela, il met sobrement en scène son récit et ce avec brio, ne manquant pas d'idées et surtout retranscrivant bien toute la noirceur de son oeuvre, tant dans les personnages que dans les thèmes. Il met en place une atmosphère aussi sombre que désespérée et oppressante et orchestre une véritable descente aux enfers dans un milieu pourri et corrompu jusqu'à la moelle.
Il nous emmène dans divers chemins scénaristiques souvent surprenants, bien orchestrés et bénéficiant d'une grande qualité d'écriture, notamment pour ce qui est des personnages. Consistants, ambiguës, ils sont très vite rendu intéressants et il en fait ressortir la tragédie et noirceur, ils sont aussi bien interprétés et en particulier par Toshiro Mifune qui rend même son personnage émouvant. Plusieurs séquences sont mémorables et montrent à nouveau toute la maîtrise de Kurosawa derrière la caméra, notamment le mariage qui ouvre le film.
Si certains points me laissent légèrement sur ma faim, l'aspect sombre, oppressant et la qualité d'écriture et de mise en scène de Kurosawa prennent le dessus pour une oeuvre qui ne manque pas de faire froid dans le dos une fois achevée.