Kurosawa est connu et reconnu pour ses films de samouraïs avec de grands classiques comme Les Sept Samouraïs ou encore Ran. Outre ces films de sabre, le réalisateur nippon a également souvent mis en scène le Japon contemporain, celui de l’après-guerre. Il y a dans son film Les salauds dorment en paix, nombres des points clés exprimés également dans ses films sur le japon féodal. L’honneur, la traîtrise et la vengeance ont leur place dans toutes sociétés, quelque que soit le lieu et le temps.
L’histoire se déroule à la fin des années 50, dans un lieu que l’on devine être une grande ville. Un important mariage est célébré entre la fille et le secrétaire d’Iwabuchi, le vice-président d’une grande société. Le mariage, montré lors du banquet, est cependant entaché de plusieurs incidents. Un des convives travaillant comme comptable dans la société d’Iwabuchi est arrêté. Des journalistes se pressent pour assaillir les dirigeants présents sur l’enquête concernant une affaire de corruption. Pour couronner le tout, la gigantesque pièce montée rappel le suicide d’un employé 5 cinq ans plus tôt. Tous les ingrédients sont présents pour lancer le spectateur dans une sordide affaire de corruption et également d’une vengeance diligentée par un inconnu.
Quoi de mieux que de faire un film sur la corruption et l’abus de pouvoir lorsque l’on réalise son premier film en indépendant, libéré de toutes contraintes ? Akira Kurosawa, à la tête de sa nouvelle société de production, pose un regard critique sur ses contemporains à un moment clef dans l’histoire du Japon. Au début de 1960, la jeunesse nippone se dresse contre le Traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon. Ce traité, rejeté par le parti socialiste, donnait plus d’autonomie au pays mais la population redoutait l’afflux de pouvoir donné aux politiciens et aux entreprises. Dans Les salauds dorment en paix, la corruption touche une société publique mettant en exergue le conflit d’intérêt entre engrangé des bénéfices et garder la principale mission étatique, à savoir satisfaire aux besoins du peuple.
Côté casting, nous retrouvons l’indétrônable Toshirô Mifune, exemplaire dans son rôle de Koichi Nishi. Peu expressif et dont on devine une immense colère contenue prête à exploser, son personnage se dévoile petit à petit, dénouant l’intrigue. Kyōko Kagawa, Takashi Shimura, Takeshi Katō et Kamatari Fujiwara sont également des acteurs clés du film et ont tous tournés dans de nombreux films de Kurosawa. Ces acteurs expérimentés permettent de dynamiser un film assez long, plus de 2h30.
La scène d’ouverture, celle du banquet et sans doute la meilleure. Selon la légende, elle inspirera celle du chef d’œuvre de Coppola, Le Parrain. Sachant la fascination du réalisateur américain pour la filmographie du japonais, il est plus que probable que cette légende soit fondée.
Kurosawa distille parfaitement les indices sur la ramification de cette odieuse affaire de corruption. Iwabuchi et ses subordonnées sont des pourritures que l’on nous présente depuis le début du film sont des salauds. Oui, mais d’autres sont au-dessus. Preuve en est avec la visite de fonctionnaires du ministère et surtout avec le dernier coup de téléphone d’Iwabuchi à un inconnu. Tout à coup devenu servile, le fier Iwabucchi implore d’être transféré sur un poste étranger pour éviter la vindicte populaire et sans doute la prison. Il y a en effet des salauds qui dorment en paix, mais ceux-ci nous ne les verrons pas, au mieux pourrions-nous les figurer. Des politiciens véreux et des hommes de l’ombre s’engraissant par le biais de l’argent public, voici les derniers des salauds, ceux qui dorment en paix.