Kubrick est un cinéaste des décors.
On parle beaucoup de ses travelings, à raison et on trouvera partout sur Internet des analyses puissantes globalement sur "Paths Of Glory" mais en fait le film s'appuie aussi beaucoup sur ses décors.
Dès le départ la descente de la caméra dans les tranchées, suivant les soldats en travellings fluides, donnant une sensation immersive. La caméra de Kubrick scrute chaque visage, chaque expression, soulignant l'absurdité et l'injustice de la situation. Les décors du tribunal sont soigneusement choisis pour refléter le contraste entre la pompe officielle et la brutalité de la guerre. Ce qui rend celà possible, c'est le boyau lui-même de la tranchée. Tunnel fatal, filmé en contre-plongée, cet espace incarne de façon brutale, pas fine mais efficace, la destinée fatal et le piège qui se ferme sur les soldats.
Le décor c'est la première brique en fait des constructions de Kubrick. C'est le décor qui va structurer l'espace. Et cet espace sera ensuite balayé avec des travellings, creusés avec de la profondeur de champ et sculpté avec de la lumière.
C'est par l'utilisation du décor que l'on constate le contraste entre les tranchées encombrées et le tribunal spacieux au sol en damier de jeu d'échecs. Dans les tranchées, les plans sont serrés, évoquant l'oppression. Au tribunal, malgré l'espace apparent, les soldats sont encadrés, soulignant leur impuissance. La profondeur de champ, elle, permet de rendre visible l'expression des visage, la comédie humaine qui se joue là dedans.
"Les sentiers de la gloire" est un film assez simple et donc pratique pour aborder ce sujet des décors. C'est dans celui-ci que le décorum est lui-même la marque principale de cette opposition entre ceux qui décident et ceux qui subissent. Le rapport maître / esclave dans 2 systèmes de fonctionnement (le terrain et la bureaucratie).
Il y a enfin cette fin magnifique ramassée dans un nouveau décor, un petit théâtre. On peut y voir la meute individualiser ses agents et retrouver par là même une certaine humanité.