S’il y a bien un gars outre-atlantique qui est taillé pour les histoires vraies, c’est Aaron Sorkin. C’est bien simple, il ne fait que ça : Le Stratège, Steve Jobs, Le Grand Jeu, sans oublier l’inoubliable : The Social Network. Qui lui a valu l’Oscar du meilleur scénario adapté en 2011. Ce n’était donc qu’une question de temps avant que le projet de porter à l’écran The Trial of Chicago 7 lui soit confié sur recommandation de Spielberg himself (mais pour une production Netflix. Faut pas déconner non plus).
Cet épisode méconnu du grand public (et de moi-même jusqu’à ce jour) a pour point de départ la convention démocrate de Chicago en 1968. Un évènement au cours duquel des centaines de manifestants venus des quatre coins de l’Amérique s’étaient rendus pour protester pacifiquement contre la mobilisation des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, sur décision de l'administration Johnson. Avant de dégénérer rapidement en émeutes opposant les forces de l’ordre et les manifestants. Un violent basculement que le ministère de la justice a décidé d’imputer à non pas un, mais sept individus, les sept à l’origine de la mobilisation de l’opinion. Les sept de Chicago.
Commence alors la retranscription d’un procès surréaliste dans lequel la balance de la justice a penché, 150 jours durant (soit la durée du procès) en faveur de l’accusation. Une situation à peine croyable à laquelle Sorkin apporte un traitement extrêmement sobre, comme s’il se contentait de la filmer sans aucun parti pris de mise en scène comme pour mieux souligner l’invraisemblable.
Mais le coeur de la machine est ailleurs. Aussi, pour extraire toute l’essence de ce fait judiciaire, il convient de se saisir des dialogues, saisissants, et de ceux qui les déclament avec conviction. Il faut voir Mark Rylance, Eddie Redmayne et Sacha Baron Cohen à l’oeuvre. Tous férocement impliqués dans leur rôle, ne négligeant pas un regard et ne cherchant jamais l’emphase, à la hauteur de ce que leurs personnages représentent et de l’injustice dont ils sont victimes dans ce tribunal qui semble être figé dans une faille spatio-temporelle. Les flashs-backs, pensés comme des respirations dans le récit, brillent eux aussi pour le réalisme avec lequel ils sont retranscrits. De quoi nourrir un peu plus notre sidération au cours de ces deux heures décidément bien remplies.
Edifiant, nécessaire et cinglant, The Trial of Chicago 7 porte en lui la perfidie d’un système, la méprise des pouvoirs politiques et les maux d’une génération étouffée dans sa propre liberté d’agir. Un autre grand moment de l’histoire des Etats-Unis, que l’académie des Oscars ne manquera pas de récompenser histoire de se réconcilier, une fois n’est pas coutume, avec le passé.