Je suis assez partagée sur ce film que j'ai globalement beaucoup apprécié.
Le thème du combat pour le droit de vote des femmes me plait beaucoup, surtout présenté sur fond de lutte ouvrière.
L'histoire m'a séduite également. On se retrouve face à un drame teinté d'espoirs, mais un drame tout de même, qui utilise sans scrupule les chemins du mélo pour tirer une larme aux sensibles de l'assemblée; notamment en ce qui concerne le fils de l’héroïne Maud, le petit Georges. Ce volet sentimentaliste ne m'a pas gênée, il n'est pas central et finalement sert bien la narrativité du film.
Les personnages m'ont globalement bien plu, étonnement en particulier les personnages masculins. En effet, loin d’être bêtement caricaturaux pour servir à un manichéisme du film, on retrouve des individus complexes qui - même en ayant tort - ont des motivations compréhensibles. Le mari Sonny, parfois détestable, semble très humain et est bien loin du mari ivrogne et violent qu'il aurait été facile de dépeindre. Le pharmacien - mari d'Edith - et le policier Steed sont également intéressants et leur pensée respective est plus ambiguë qu'elle ne le semble au départ. La grosse déception au niveau des personnages est celui de Mme Pankhurst qui, bien qu'agréable, n'est visible que lors d'une unique scène. La présence centrale de Meryl Streep sur l'affiche semblait annoncer un rôle bien plus important, mais n'est en fait qu'un teaser pour le passant. Dommage, car d'autres actrices féminines auraient pu prétendre à cet honneur (les actrices de Violet ou Emily par exemple).
Ce que j'ai le moins apprécié finalement est l'impression constante que ce film essaie de tricher sur son genre. Globalement, les décors, les costumes, la musiques, les images, la bande annonce, les personnages, l'histoire appartiennent à un cinéma très classique où la narrativité prime. Mais les cadrages et la façon de filmer rappellent parfois un cinéma du réel à la "Dardenne", caméra à l'épaule, mouvements brusques, gros plans extrêmes... L'inconfort qui en résulte illustre très bien l'inconfort ressenti par l’héroïne. Lors des scènes les plus vivantes, les images sont parfois floues et le montage tend vers la confusion, exactement comme Maud les vit sur le moment même. Et personnellement, je trouve que ça ne colle pas: ces procédés très réalistes ne fonctionnent pas avec le reste du message. On se retrouve dans un film partagé entre deux genres, tentant de les réunir à gros coup d'agrafeuse. J'aurais préféré que Sarah Gavron choisisse plus franchement un camp: soit celui de la narrativité classique esthétisée et fluide, soit celui du réel au rythme saccadé - quitte alors à prendre le risque d'abandonner le mélo...
Enfin, malgré ce défaut, je recommande chaleureusement ce film. On ne s'ennuie pas du tout et on apprend des tas de choses en le regardant.