Suffragette (sans spoiler)

Film vu une fois au cinéma.
Ce film passe le test de Bechdel-Wallace (encore heureux).

J'ai été happé par cette œuvre. Je me suis plongé dedans, je me suis identifié au personnage central, qui est celui d'une femme tandis que je suis un demiboy. Je suis de ceux qui prétendent qu'il n'y a que peu de différences fondamentales entre les genres (mais de grandes différences sociétales), mais tout de même, réussir à me faire m'identifier à un personnage féminin, à avoir l'impression de ressentir ce qu'elle vit, alors que je ne suis pas une femme, cela me parait être un gage de qualité.
Ainsi, vois-t-on le monde à travers les yeux d'une femme du début du XXe siècle, soumise aux conditions de vie et de travail de l'époque, synonyme d'esclavagisme, le déracinement en moins et la notion de propriété également en moins (encore que).
Ainsi voit-on le mouvement des suffragettes à travers les yeux d'une femme qui ne s'en revendique pas, une femme qui est bien éduquée selon les canons de l'époque, une femme qui se tient tranquille, qui est soumise aux hommes. Mais une femme qui va en rencontrer une autre. Qui va rencontrer une suffragette. Et de cette rencontre nait l'évolution du personnage. Évolution dont les prémisses étaient déjà présents et qui ne demandaient qu'à s'exprimer.
Mais plus qu'un film sur des faits réels, c'est un film sur le militantisme. Plus exactement sur le militantisme clandestin. Clandestin et désespéré. Ou lucide. Ou les deux. Les suffragettes ont milité pacifiquement durant des décennies pour n'en retirer que moqueries et silenciations. Il n'est plus temps du pacifisme.
Mais quel sens à ce que ce film sorte aujourd'hui, en 2015, longtemps après l'obtention du droit de vote ? Simple moment nostalgique ? Simple travail de mémoire ? Pour moi, cela va bien plus loin. Certains pays n'ont toujours pas accordé ce droit aux femmes pour commencer. Mais il serait regrettable, et même dangereux, de se contenter de la paille dans l’œil du voisin. En Europe, et notamment en France et au Royaume-Uni, l'équité salariale n'est toujours pas acquise. En ce 13 novembre quand j'écris ces lignes, et même plutôt en ce 10 novembre quand je visionne ce film, les femmes en France travaillent gratuitement depuis une semaine. Ou plutôt c'est le cas si l'on figure la différence de salaire par un salaire égale toute l'année suivit d'un bloc non payé.
Cela fait des décennies que les femmes se battent pacifiquement pour avoir le même salaire que les hommes. Ne serait-il pas temps de laisser le pacifisme à sa stérilité ? Ne serait-ce pas le moment d'agir et ne plus parlementer ?
Ce film n'est-il finalement pas là pour nous rappeler comment on obtient des droits ?