Un film muet à l'heure du parlant

Il est des films qu'on peut voir à tout âge, et dans lesquels on trouvera à chaque fois quelque chose qu'on n'avait pas vu avant. Bien-sûr, Les Temps modernes est drôle, oui, c'est son film le plus politique, une critique du travail à la chaîne, du capitalisme, mais c'est aussi (et peut-être avant tout) un film sur la recherche du bonheur. Les scènes cultes se comptent par dizaines : le fondu enchainé du début entre les moutons et les ouvriers allant à l'usine, la machine pour manger tout en continuant à travailler, Charlot drogué qui empêche une évasion, la prison comme paradis, le patin à roulettes au-dessus du vide, la chanson sans paroles, le rêve d'une maison avec la vache qui vient apporter le lait... Mais c'est finalement le discours de ce clochard qui n'a rien, et qui continue à sourire, à croire en des lendemains plus doux, qui m'émeut le plus : "Un jour, nous aurons notre maison, même si je dois pour ça travailler !". Sorti en 1936, c'est le dernier film "muet" de Chaplin, à deux exceptions prêt : le patron d'usine, qui a le "droit" à la parole, à travers un écran, mais uniquement pour donner des ordres; et Charlot, quand il doit chanter, mais oubliant toujours les paroles, qui finit par faire des sons, le sens passant par ses gestes. Une manière de dire que le cinéma n'a pas besoin de paroles... Pour finir, un mot sur la musique : magnifique ! Pour moi, le plus beau film au monde !