Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnait... eh oui cette réplique est un aperçu de ce qu'on peut trouver dans cette comédie policière archi cultissime, sorte de carte de visite du talent de dialoguiste de Michel Audiard. Lorsqu'il se mit à tourner de la Série Noire parodique à la française, Georges Lautner créa dans les années 60 un genre nouveau appelé au succès, qu'il va exploiter dans 3 ou 4 pépites et dont les Tontons flingueurs figure comme le classique des classiques.
Qu'est-ce qui fait qu'après 50 ans, ce film régale toujours autant par ses répliques inoubliables ? C'est justement ce dialogue d'Audiard magistral qui enchante l'oreille et qui est ressassé en boucle sur internet par les nouvelles générations qui le découvrent ; phénomène intemporel qui séduit tout le monde. C'est aussi parce que cette Série Noire pas sérieuse a la force des meilleurs vaudevilles par son intrigue glissant des réalités du monde des truands vers le comique, et spécialement du monde du truand français d'une certaine époque, et non de celui d'une imitation de polar américain. C'est également pour certains petits détails comme les bruitages amusants des silencieux ou le jingle de banjo rigolo de Michel Magne qui scande certaines scènes. C'est encore grâce à une troupe de comédiens épatants qui décochent les répliques ciselées avec un naturel désarmant : Lino s'amuse dans un rôle à la Gabin, tandis que Blanche, Blier, Dalban, Lefebvre et Rich campent des personnages très typés et drolissimes.
C'est enfin pour une scène inoubliable, et quelle scène ! celle de la cuisine que ce film est entré dans la légende.
Pourquoi cette fameuse séquence est-elle restée dans la mémoire collective plus que d'autres ? Lautner n'a jamais su l'expliquer vraiment. Probablement parce qu'elle est longue, qu'elle repose sur le jeu des acteurs, et que les répliques sont du meilleur calibre. Et dire qu'elle faillit ne jamais exister, Audiard n'en voyait pas l'utilité, c'est Lautner qui a insisté pour la garder... mais le défi technique était ardu, vu l'exiguïté de la pièce, il fallait bouger l'énorme caméra avec précaution pour chaque plan ; et contrairement à ce qu'on pourrait croire, rien ne fut improvisé, tout était écrit et méthodique. Les bons mots fusent dans un tourbillon jouissif, et on se régale d'entendre Blier ravaler péniblement en lâchant : Faut r'connaitre, c'est du brutal, à quoi Ventura rétorque Faut avouer que c'est tout d'même une boisson d'hommes... Irrésistible. A consommer sans modération.