Jaime Rosales est le roi de l'ellipse temporelle. Nul autre que lui, parmi les cinéastes contemporains, ne sait aussi bien "sauter" d'un moment à un autre, plus ou moins éloigné dans le temps, avec une vraie dextérité, parfois pour le meilleur (La soledad) ou malheureusement pour le pire (Petra) quand il lui prend l'envie de justifier sa réputation radicale en matière d'expérimentation. Girasoles silvestres est beaucoup plus accessible que plusieurs de ses derniers longs-métrages, il a même quelque chose de banal dans son portrait en trois étapes de sa jeune héroïne, déjà mère de deux bambins, et à la recherche du grand amour, à moins que ce ne soit plus prosaïquement d'un père pour ses enfants. Sa propension à toujours faire les mauvais choix, en matière d'hommes, laisse présager un pessimisme de fond, surtout que la précarité financière est aussi de mise, mais Rosales réalise un film plutôt vif, avec une femme qui se prend en main et fait montre d'un véritable caractère face aux violences ou à la lâcheté de ses compagnons respectifs. Un long-métrage sous forme de camaïeu sentimental, assez réussi malgré un rythme fort inégal, et parfois très lâche, mais rehaussé par l'interprétation stimulante et touchante de la toute nouvelle pépite du cinéma espagnol, Anna Castillo. L'actrice de 29 ans, née à Barcelone, a le profil idoine pour figurer en vedette dans un prochain Almodovar.