Oui, l’héroïne du film enchaîne les relations avec des hommes plus ou moins toxiques, ce dont on pourrait déduire qu’il s’agit là de faire le portrait dénonciateur de cette masculinité. Ce n’est là que la façade la plus superficielle du récit, et on aurait mauvais jeu d’en pointer le simplisme auquel on l’a -à tort - réduit. Le fond tragique du film vient de la contradiction entre sa situation sociale (jeune mère célibataire, 2 enfants, sans diplôme) qui la rend plus dépendante encore aux relations de couple qui, compte tenu de ses goûts en matière d’hommes, promettent d’être immanquablement ratées. Julia ne fait ni l’expérience de l’apprentissage ni de la guérison, mais sa trajectoire est celle d’une lente résignation, résignation au couple et résignation à un homme « couple-compatible » qui n’est pas son genre. Alex, qu’elle trouve « intelligent mais pas beau », et avec qui on ne la voit jamais baiser (contrairement aux deux autres), est un peu moins pire que les précédents, il est bourgeois, éduqué, « déconstruit », et il a été suggéré à Julia par sa sœur avec beaucoup d’insistance au moment où elle s’apprêtait à renoncer à chercher un homme. Bien plus critique sociale que moraliste, le film s’attaque au couple comme institution par le biais d’un beau portrait d’une femme qui y est condamnée alors qu’elle ne s’y convient pas dans les trois cas. Très soucieux de dessiner les personnages dans leur milieu social, les Tournesols Sauvages reste un film psychologique. Je serai curieux de savoir ce qu’aurait donné une mise en scène plus froide, plus « factuelle », mais ici les plans sont avant tout commandés par la psychologie, le découpage souvent en harmonie avec les états d’âme. Il y avait des scènes moins psychologiques à faire, comme celle où la police arrive dans l’appartement pour violence conjugale, trop courte alors qu’il y avait un moment très complexe, émotionnellement ambigu à en tirer. La justesse du film vient néanmoins de ses comédiens, tous, et en particulier Anna Castillo, remarquable, dont le sourire qui ressemble à celui d’Adèle Exarchopoulos achève de me convaincre.