Le film a (mal) vieilli au même rythme que ses personnages. A l'origine, le sujet n'est pourtant pas inintéressant; mais la jeunesse que Marcel Carné met en scène nous apparait tellement fausse (rejoignant l'esprit du sujet il est vrai) qu'elle en devient antipathique. C'est une jeunesse bourgeoise et comme reprenant les tics inspirés par le cinéma de Vadim, et donc pas forcément réaliste ni représentative de la fin des années 50. Le ton mélodramatique maladroit des "Tricheurs" est en tout cas nettement moins séduisant que le réalisme poétique du Carné des années 30.
Pour ce qui est du sujet en lui-même, tricheurs qualifie des jeunes nihilistes en révolte contre la société et leurs parents et qui jouent à ne rien respecter, ni les sentiments ni leur existence propre, préférant s'afficher cruels et libres plutôt que tendres et amoureux. En cela, ils trichent, tant il est vrai que leur snobisme et leur cynisme ne visent qu'à épater la galerie, à masquer un malaise existentiel profond et sans doute sincère dont, au demeurant, Carné, coupablement, ne dit pas grand'chose.
Parmi eux, une jeune fille et un jeune homme courent au drame parce qu'ils refusent l'un et l'autre d'afficher leur sensibilité et de s'avouer leur amour.
On aurait aimé aimer ce film parce qu'il porte une idée forte et originale mais le film n'est pas séduisant sur la forme et l'interprétation, où les acteurs sont tenus de jouer à jouer, n'est pas toujours habile. La grande faiblesse du film est peut-être de n'avoir pas su nous rendre ces agaçants personnages -pour les raisons du sujet- à la fois attachants, réellement émouvants et, dès lors, sympathiques malgré eux.