Fin des années 40, swashbuckler enjoué, Technicolor avec ses couleurs qui pètent... on sait à quoi s'attendre lorsqu'on se lance dans cette adaptation d'Alexandre Dumas, ou du moins c'est ce qu'on est en droit de penser. J'aime bien l'idée que la meilleure adaptation des "Trois Mousquetaires" ne soit pas française, il y a un côté ironique là-dedans (quand bien même je ne pourrais pas vraiment juger, n'en ayant vu que quatre et n'ayant toujours pas mis les yeux sur la version muette de Fred Niblo), mais malgré tout on navigue sur des flots particuliers, tout est criard, des costumes aux sourires, des combats aux romances, et il faut bien avouer que Gene Kelly dans le rôle de D'Artagnan, c'est quand même un gros morceau à avaler. Autant j'aime bien ce que son passif de danseur (pas l'ombre d'une danse ici) apporte en termes de légèreté dans ce personnage, autant la saturation est vite arrivée avec ses sourires incessants et sa psychologie assez invraisemblable, ainsi que ses limitations d'amoureux lourd et maladroit.
Parce qu'avec tout ce qu'ont retenu George Sidney et son scénariste Robert Ardrey pour l'adaptation, c'est-à-dire énormément de matière, les deux heures du film sont animées pas un rythme sans une once de décélération. De ce point de vue-là, la récente adaptation de Martin Bourboulon est beaucoup plus posée. Tout va à 200 km/h et non seulement c'est usant à la longue, mais cela ne permet pas en outre d'assurer une continuité dans l'évolution des sentiments — notamment en ce qui concerne D'Artagnan (le personnage principal avec Athos, joué par Van Heflin, laissant totalement de côté Porthos et Aramis). Franchement il est incompréhensible de voir D'Artagnan raide dingue de Milady et deux minutes plus tard épouser Constance... C'est un peu idiot évidemment sur le plan psychologique, mais en plus cela s'inscrit dans une narration ultra-rapide qui empêche de laisser infuser toutes les péripéties.
Même si l'exercice est épuisant, il y a malgré tout quelques gourmandises pour faire passer la pilule, avec notamment Vincent Price dans le rôle du cardinal de Richelieu, machiavélique à souhait, et Lana Turner en Milady de Winter, comble de la perfidie.