Cette nouvelle incarnation des 3 mousquetaires est un divertissement solide mais également un peu frustrant.
Solide, parce que bien conçu, autour d'un casting et d'une équipe technique aux petits soins. Les acteurs sont quasi tous de très bons choix pour leurs personnages, à commencer par François Civil (dans le ton!), Vincent Cassel (impliqué et convaincant, malgré le texte classique qui ne lui sied guère) et Louis Garrel (parfait en roitelet laissant pas mal de place à sa reine, et au cardinal). Je pourrais également cité Marc Barbé, Pio Marmaï et Cicky Krieps, au diapason et enthousiasmant. Je serais plus mesuré par les prestations de Romain Duris (qui fait le minimum) Eva Green très décevante dans l'intensité de son jeu, et Lyna Khoudri branchée sur courant alternatif: un coup elle y croit, un coup elle est absente des débats.
Dans ce qui marche, il y a bien entendu les décors et les costumes: ça sent la passion, l'envie de montrer de belles choses et de bien utiliser ce budget confortable. La lumière est plutôt agréable, on voit de belles choses, de belles personnes... servant une histoire idéale agrémentée de sous-intrigues complémentaires pas trop mal vues (l'histoire de la comtesse blonde fonctionne bien) et quelques ambiances "film policier" assez sympathique.
Jusque ici tout va bien, mais j'ai aussi parlé dans mon introduction de frustration. Elle vient principalement du projet de mise en scène: il n'y en a pas, si ce n'est de tout tourner en longue focales et en plans serrés, et de gérer toutes les scènes d'actions en plans séquences. Sauf que Martin Bourboulon n'est PAS John Mc Tiernan, Chad Stahelsk, Christopher McQuarrie ni même John Hyams (pour le plaisir de le name-dropper). Si les plans sont dynamiques, un peu épiques, ils sont aussi difficiles à lire et peu satisfaisants en terme d'impact ou d'escrime artistique. Heureusement que le sujet principal est souvent continuellement poursuivi, parce que par ailleurs il est impossible, au milieu des mêlées que représentent les scènes d'action, de discerner qui est qui, et qui fait quoi. Parfois au milieu de ce chaos nait une passe d'arme sympathique, mais c'est bien maigre pour un film de capes... et d'épées! Du côté des actes manqués mentionnons le bal masqué, normalement un concept royal pour produire du visuel et du quiproquo. Ici le réalisateur n'en fera rien. Il me faut évoquer également la musique, qui fait le job en illustrant et en s'envolant quand il faut devenir épique - mais aucun thème particulier ne se démarque - c'est en fait du pur Hans Zimmer années 2000-2010. Ca n'est donc pas génial du tout mais fonctionnel. Autre truc un peu pénible avec cette histoire de focale: les décors sont vraiment grandioses et bien éclairées, mais écrasés dans leurs dimensions: on voit bien les bâtiments de pied en cap, mais jamais dans leurs largeurs, ça manque de scope, et - pire - la mise au point est très marquée sur le personnage en premier plan, le reste devenant flou. Avec une telle qualité de production, on est pas loin de la faute professionnelle, probablement la faute au réalisateur.
Malgré ces écueils, vous remarquerez que la note que je donne est tout de même plutôt élevée. Parce que si on est en droit d'être exigeant devant un divertissement qui se veut populaire, il faut tout de même avouer qu'on s'y attarde et que je râle parce que ce film vaut globalement le prix de sa place de ciné. Sur grand écran c'est un film très sympathique, on passe un excellent moment et j'irai voir le second volet avec plaisir. Pour ceux qui ont lu Dumas c'est une lecture respectueuse et moderne. Pour les autres c'est un bon moyen de découvrir et valoriser le patrimoine littéraire et historique français, une excellente porte d'entrée vers ce genre par essence populaire, qui est globalement à la fête ici.