Accusé de 20 meurtres, dont celui d'une enfant de 2 ans, le couple Martha Beck / Raymond Fernandez est exécuté sur la chaise électrique le 8 mars 1951. L'horrible fait-divers défraie la chronique et inspire une première adaptation cinématographique en 1950, un an avant la mise en œuvre de la peine capitale envers les amants diaboliques. Largement romancé et sombrant rapidement dans l'oubli, Lonely Heart Bandits mis en scène par George Blair reste aujourd'hui très difficilement visible.
Durant les années 1960, le producteur de télévision Warren Steibel est littéralement obsédé par cette histoire criminelle et cherche à produire un long-métrage qui relaterait la véritable histoire de Martha Beck et de Raymond Fernandez. C'est un investisseur gérant une chaîne de supermarchés qui va lui permettre de concrétiser son projet en lui allouant un budget de 150 000 $. Les biopics hollywoodiens narrant des faits-divers meurtriers tels que De Sang-Froid (Richard Brooks - 1967), Bonnie & Clyde (Arthur Penn - 1967) ou encore L'Étrangleur De Boston (Richard Fleischer - 1968) étant d'immenses succès commerciaux, Steibel espère que son petit film intéressera un tant soit peu le public américain.
Limité par son budget, le producteur engage le chef d'orchestre Leonard Kastle, totalement néophyte en matière de cinéma, pour rédiger le scénario. Ce dernier se plonge dans les articles de presse relatant le parcours des amants serial killers et compose une partition cinématographique réaliste à la manière de John Cassavettes. Initialement titré Dear Martha, son script ne s'éloigne que de très peu du sordide fait divers, vieillissant de quelques années la fillette assassinée afin de ne pas subir les foudres de la censure et déplaçant l'histoire à l'époque contemporaine (1969) au lieu de la fin des années 1940. Tout le reste étant principalement issu des procès verbaux de la police et du compte-rendu du procès, la reconstitution scénaristique s'avère bluffante d'authenticité.
C'est Martin Scorsese qui fut le premier cinéaste engagé pour réaliser le film. Congédié au bout de 10 jours, c'est son assistant Donald Volkman qui prend le relai avant de se voir renvoyé à son tour 2 jours plus tard. Connaissant le sujet sur le bout des doigts, Kastle prend alors naturellement la direction du long-métrage, largement valorisé, il est vrai, par la direction photo de l'excellent Oliver Wood, 27 ans à l'époque et très récemment décédé des suites d'une longue maladie.
Infirmière célibataire, obèse, revêche et esseulée, Martha Beck fait la connaissance par le biais d'une petite annonce de Raymond Fernandez, petit escroc qui séduit des femmes esseulées pour les dépouiller de leurs économies. Découvrant le pot au rose, Martha décide néanmoins de suivre Raymond dans ses combines, se faisant passer pour sa sœur aux yeux des futures escroquées. Maladivement jalouse et possessive, Martha conduira rapidement le couple à ne plus laisser aucun témoin derrière lui...
À l'aide d'un casting plus que parfait (Shirley Stoler et Tony Lo Bianco sont littéralement géniaux) et d'une réalisation implacable, Les Tueurs De La Lune De Miel reste un monument de cinéma qui n'a absolument rien perdu de son âpreté malgré son vieil âge. Tourné en 16mm et en noir et blanc, il assène toujours et encore un violent crochet du droit aux spectateurx qui osent s'aventurer dans cette impétueuse histoire d'amour qui pérégrine jusqu'aux confins de la folie et de l'horreur au rythme des symphonies de Gustav Malher. Un très grand film qui restera malheureusement la seule excursion cinématographique de son réalisateur.