Les Valseuse s'inscrit dans cette période post-68 où un esprit libéral-libertaire se développe, et tous les grands tabous sur la sexualité vont se briser petit à petit. Ainsi, on suivra les aventures de deux marginaux des années 70 qui décident de vivre en commettant des vols et en s'adonnant à un plaisir sexuel extrême.
Ces deux personnages de Jean-Claude et Pierrot incarnés par Gérard Depardieu et Patrick Dewaere ne souhaitent pas se poser pour vivre normalement et travailler, ils veulent être libres. Alors ils embêtent des femmes dans la rue, dans le train, ils volent la voiture d'un petit bourgeois pour venir la ramener après (ce qui n'est pas très fin mais montre qu'aucune malveillance n'anime les personnages), et par ailleurs se barrent avec sa maîtresse, Marie-Ange.
La castration éphémère de Pierrot n'empêche pas quelques envolées vers la lactation ou le fétichisme de sous-vêtements d'une adolescente. Mais elle marque une perte de masculinité, il ne peut plus se satisfaire sexuellement et marquer sa domination sur les femmes. Mais lorsqu'il retrouve l'usage de ses "valseuses", il se verra incapable, avec Jean-Claude, de faire jouir Marie-Ange.
Ces deux gros misogynes vont se rendre compte, à travers le personnage de Marie-Ange, qu'ils ne connaissent pas l'amour, et que leur plaisir sexuel n'arrive même pas à être partagé. Ils vont donc évoluer jusqu'à dire à Marie-Ange qu'elle est "trop jolie" et quelle a "besoin d'affection", alors qu'avant elle n'était qu'une "sale putain qui suce les coiffeurs et qui porte pas de culotte".
L'entre-deux qui permet cette évolution est Jeanne Pirolle, une quinquagénaire sortant de prison qui va avoir une relation intime avec nos deux personnages, jusqu'à une magnifique scène de sexe, où cette fois on les voit s'embrasser. Ce qui est choisi d'être montré et ce qui n'est pas montré pour rester ambigu, soutenu par une douce musique, vont servir à magnifier ce coït, marquant le moment le plus décisif du film.
Arpentant la France avec différents véhicules volés, on évolue dans des décors allant de la banlieue emplie d'immeubles au village de campagne, en passant par le bled paumé en bord de mer. Ces décors sont très intelligemment utilisés et accompagnent les personnages dans leur propre évolution personnelle, se sentant de plus en plus libres, pouvant aller où ils veulent sans se soucier de rien. Jean-Claude conclut le film dans cette lignée: "On n'est pas bien ? Paisibles, à la fraiche, décontractés du gland. ... et on bandera quand on aura envie de bander."
Le film est crû, violent, et arrive à nous faire rire avec ses situations improbables et ses répliques partant à la fois dans des réflexions philosophiques ou des blagues à la fois crades et très bien écrites. En parallèle s'ajoute un côté dérangeant dans la façon dont sont filmées les scènes de sexe, où l'on en voit assez pour comprendre mais tout est cadré pour nous cacher le plus explicite. S'ajoutent aussi les déviances sexuelles décomplexées (en particulier le viol) et cette sympathie que l'on arrive à ressentir envers ces odieux personnages. Le tout est donc magistral, justifiant au film son statut d’œuvre culte.