Où l'on apprend que la distinction et le sens de la dignité anglais ne sont pas l'apanage des seuls aristocrates. Avec le personnage d'Anthony Hopkins et, secondairement, celui d'Emma Thompson, James Ivory met en scène la caste des domestiques, personnel de maison qui à lui seul compose une sorte de "sous-société", avec ses codes et ses manières.
Le récit se construit autour de la personnalité du majordome (profession d'une rare exigence qui semble se transmettre de père en fils), un homme rigoureux et vertueux, droit et impassible. Arborant comme une prérogative le sens de l'obéissance et de la perfection, Stevens est un admirable et loyal serviteur mais n'est plus qu'un automate se refusant toute fantaisie, toute émotion, et s'interdisant la moindre humeur ou conviction personnelles. Et pourtant, les naïves compromissions pro nazies de son maitre lord Darlington sont de nature à ébranler celui qui s'est fait une obligation de soumission.
Et, de la même façon qu'il n'exprimera jamais son attachement -réciproque- à la séduisante intendante -posture qui fait de Stevens et de miss Kenton deux pathétiques vieux célibataires et suscitent de touchants non-dits - le majordome s'interdit tout jugement de valeur à propos de son maitre. Stevens et Darlington incarnent ensemble les moeurs et un sens de l'honneur du passé.
L'élégance de la mise en scène et des indices psychologiques qui caractérisent les deux personnages principaux, l'exceptionnel talent des interprètes et des personnages font de ce film de James Ivory, de mon point de vue, son meilleur à ce jour.