L'Amour rend aveugle, la maladie aussi

Comme il m'arrive (rarement) de le faire, je vous propose deux critiques, une lors de ma vision lors de sa sortie au cinéma, puis celle huit ans plus tard, à la télévision.

Critique de 2010 :

J'ai rarement eu l'occasion de voir un film aussi inégal dans ma vie que ces « Yeux de Julia ». Tendu , brillant, longuet, ridicule, passionnant, brillant, grotesque : le film de est tout cela à la fois, si bien que c'est quelque peu désemparé que je suis sorti de la salle, mais tout de même avec quelques enseignements. D'abord que malgré les défauts, il n'est pas si courant de voir un réalisateur capable de créer une ambiance aussi pesante et doté de réelles fulgurances, si bien que pour ma part, c'est plutôt le positif qui l'emporte.

Néanmoins, si le petit protégé de Guillermo Del Toro veut un jour signer un grand film, il lui faudra régler plusieurs choses. Le rythme d'abord, tant celui-ci souffre de ruptures de ton déconcertantes mais pas franchement maîtrisées, si bien que l'on est à plusieurs reprises pas loin de l'ennui. Mais également le scénario : si celui-ci contient en effet quelques vraies qualités et se tient vaguement du début à la fin, on aurait aimé quelque chose de plus riche, de plus dense, de plus étonnant...

Reste cette vraie satisfaction d'avoir vu une œuvre dotée d'un style réel, non aboutie mais parfois très belle, bien jouée (Belén Rueda est décidément une bien belle et talentueuse actrice) et nous offrant quelques beaux moments de cinéma : ne tient désormais plus qu'à Guillem Morales de transformer définitivement ses bonnes dispositions...

Critique de 2018 :

Vu il y a huit ans, je ne gardais presque aucun souvenir des « Yeux de Julia », simplement que je l'avais effectivement déjà vu en revoyant la plupart des scènes. Qu'écrire sur ce second visionnage ? D'abord, que Guillem Morales, à la fois réalisateur et scénariste, est manifestement plus doué pour le premier métier. Autant il parvient à créer une atmosphère inquiétante, étrange, exploite bien les lieux, sait créer une tension avec finalement peu de choses, autant le récit, pourtant réécrit visiblement à de très nombreuses reprises en amont, ne donne pas vraiment satisfaction, beaucoup d'aspects restant obscurs, que ce soit concernant le passé de l'héroïne, sa relation avec sa sœur jumelle, certains comportements parfois peu cohérents...

De plus, la dernière partie se perd parfois un peu en longueurs et en excès, les révélations ne justifiant pas un affrontement aussi long, la personnalité du tueur, bien qu'intéressante, présentant des failles. Maintenant, cela reste plutôt bien mené, avec un suspense souvent de qualité, une volonté d'être un minimum nuancé, avec une pincée de romantisme (parfois un peu appuyé) et surtout une vraie noirceur (sans mauvais jeu de mots!), la présence d'une héroïne forte et « insoumise » étant également un vrai plus, surtout lorsqu'elle est interprétée par la très belle et très talentueuse Belén Rueda. Bref, du talent devant et derrière la caméra, malheureusement affaibli par des choix déconcertants et un récit parfois en difficulté, malgré de vraies bonnes idées : un peu frustrant.