Un biopic au service d’un message, plus que d’un homme

Le film s’attache à la figure de Dietrich Bonhoeffer, théologien et résistant, dont la foi inébranlable l’amène à défier la barbarie nazie. Un destin d’exception, un sujet puissant, et pourtant, jamais le film ne parvient à en capter la complexité. Tout y est figé, depuis la mise en scène jusqu’à l’incarnation de son protagoniste, comme si la ferveur du personnage étouffait toute velléité de nuance.

Produit par une société de films chrétiens, le long-métrage ne cache pas son inclination. La foi de Bonhoeffer n’est pas simplement une part de son identité, elle devient le prisme absolu de son engagement, au point d’éclipser toute ambiguïté.

Ce biopic se contente d’illustrer une conviction sans jamais la mettre en danger. L’adhésion du spectateur semble présupposée plutôt que conquise, et le film en devient une démonstration plus qu’un véritable récit habité.

Cette impression de fixité est renforcée par une narration éclatée qui, loin d’apporter une profondeur supplémentaire, ne fait qu’alourdir un scénario linéaire. Ici, les incessants allers-retours temporels semblent surtout masquer un manque de souffle dramatique. On peine à comprendre la nécessité de ce découpage.

À cela s’ajoute un choix linguistique déroutant : tourné en Irlande et en Belgique, interprété par des acteurs allemands, mais en langue anglaise, le film perd en authenticité ce qu’il cherche à gagner en accessibilité. Cette distorsion culturelle crée une distance artificielle, comme si l’œuvre était prise entre deux eaux, jamais tout à fait enracinée dans son époque ni dans son territoire.

De plus, le film semble exiger du spectateur une certaine familiarité avec l'histoire de I'Allemagne nazie et de la résistance intérieure. Pourtant, il prend des libertés avec la réalité historique, ce qui crée une dissonance.

La mise en scène, appliquée, épouse cette approche trop maîtrisée. Chaque séquence semble guidée par un souci de transmission du message plus que par une réelle exploration cinématographique.

Loin d’interroger la complexité morale de son sujet, notamment sur la légitimité de la violence comme réponse au mal, le film évite les dilemmes et les ambiguïtés. Il ne questionne pas, il affirme. Il ne cherche pas à troubler, mais à édifier.

cadreum
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