Enveloppée par la brume vaporeuse, Jessica se laisse emporter par les flots, sur ce lac qui reflète à jamais ses visions aliénantes. Enfin seule, enfin libre…
Let's Scare Jessica to Death, malgré son affiche qui attire malhonnêtement le chaland, est une petite pépite assez méconnue du cinéma de genre sorti au début des années 70s. Le film met en scène un trio d'amis, dont Jessica qui vient de sortir d'une institution psychiatrique, qui quittent la ville pour s'installer dans une maison rurale pour récupérer. On sentira dès le départ la menace extérieure des habitants de cette petite ville, peu enthousiastes par la venue de ce groupe de hippies. La belle réussite du film est l'utilisation d'une narratrice non fiable très convaincante (Zohra Lampert) qui nous fait valser entre aliénation et réalité sans aucune séparation distincte. La fragilité psychologique de Jessica laisse planer le doute sur tout ce qu’elle voit ou ressent, et nous, spectateurs, sommes aussi déstabilisés qu’elle. Un point de vue subjectif qui finalement libère Jessica de sa condition sous contrôle de l’homme, en l'occurrence de son mari. En même temps, cette condition l'enferme dans sa peur d'être internée à nouveau, n'osant pas parler de ce qu'elle voit ou entend. C’est par l’arrivée d’une présence vampirique qui attire autant qu’elle inquiète, une Carmilla des temps modernes, que le monde de Jessica sombre de plus en plus dans un tourbillon de visions, illusoires ou pas.
Le film arrive à maintenir une tension constante et à faire monter l'angoisse dans des scènes mémorables, particulièrement celles du lac, en ce demandant si la menace est réelle ou pas. La perte de pied de Jessica est de plus en plus profonde jusqu’à la catharsis finale. Un très belle fin qui nous laisse voguer dans nos propres interprétations. La cinématographie n’est certes pas parfaite, gardant à l'esprit que c'est le premier long-métrage de son réalisateur John Hancock, mais il s’en dégage une forte atmosphère digne d’un bon film d’épouvante classique, utilisant au mieux des dispositifs connus du genre: la maison isolée et habitée de souvenirs du passé (le grenier et ses reliques), le lac aux reflets hostiles, les voisins chelous,… En plus d’une ambiance sonore parfaitement adéquate. Let's Scare Jessica to Death est une bonne petite surprise qui s’appuie sur la détresse psychologique de sa protagoniste et distille une étrange aura qui laissera certainement des cicatrices marquées, illusoires ou pas.
I sit here and I can't believe that it happened. And yet I have to believe it. Dreams or nightmares? Madness or sanity? I don't know which is which.