La Yakruna, étrange et mystérieuse fleur hallucinogène cachée en plein milieu de la jungle amazonienne est à la fois le début, le fil conducteur et la fin du film. Elle n'en est pas le sujet pour autant. Car même si elle marque l'objectif à atteindre, elle n'a qu'une importance bien dérisoire face au vrai sujet du film : le voyage. Un voyage humain, aussi fascinant que terrifiant, tout autant spatial que temporel mais avant tout initiatique. On ne pourra s’empêcher de penser à la vu du film à Apocalypse Now, Aguirre ou Fitzcarraldo, qui symbolisaient déjà très bien la confrontation entre nature luxuriante et folie humaine. Le film de Ciro Guerra se différencie cependant de ces derniers par l’absence de grand moyen technique. Il se montre bien plus calme, posé, modeste ; aspect qui se voit accentué par le choix du noir et blanc, offrant au film une apparence mystique et solennel. Choix permettant surtout d'encrer le film dans le passé, nous offrant se sentiment que se que l'on voit n'existe plus. Ils sont là les deux grands thèmes de L’Étreinte du Serpent, celui du temps qui, inexorable, fini toujours par offrir une fin à toute choses, et celui de l'héritage, qu'il se perde ou qu'il réussisse à se transmettre. Deux époques se confrontent, se comparent, se complètent et décrivent avec justesse l'arrivé de l'homme blanc et la disparition de cultures entières. Le film marque une opposition, celle entre l'étreinte du serpent, autrement dit la jungle sauvage et indompté, et le tigre féroce et sans pitié, que l'on pourrait comparait à l'homme colonisateur, prêt à tout pour un peu de profit.