Ne serait-ce que pour l'audace de sa démarche par rapport à toutes les histoires (ainsi que l'Histoire) officielles, "Lettres d'Iwo Jima" a déjà sa place parmi celle du cinéma. Mais ce serait oublier que Eastwood a aujourd'hui atteint une maturité thématique et stylistique à peu près inégalée chez ses contemporains : quelque part, l'humanisme radical qu'il déploie - contre toutes les oppressions, que ce soit celles des codes rigoureux de la société nippone ou celles du patriotisme guerrier en général, évoque celui d'un Kurosawa (parallèle évidemment facilité par le fait qu'il s'agisse ici d'un film quasiment japonais !). D'un radicalisme formel impressionnant (une narration épurée, une image quasi abstraite), "Lettres d'Iwo Jima" entraine donc son spectateur du vertige du contre-champ absolu (le point de vue inacceptable de l'ennemi) jusqu'à la lumineuse évidence de l'humanité, sans passer par l'idéalisme simplificateur ("nous sommes tous identiques") qui mine généralement ce type de projet. [Critique écrite en 2007]