On pourrait par avance sentir un peu de lassitude et de saturation face aux noms qui composent l'affiche : du producteur Hugo Selignac à la présence de Gilles Lelouche qui nous rappelleront facilement le récent L'Amour Ouf (aux thématiques similaires), en passant par les apparemment incontournables (et donc un peu agaçants) Paul Kircher, l'éternel nouvel ado du cinéma français, et Raphaël Quenard, l'éternel second rôle cocasse du cinéma français, à la partition identique de film en film.


On pourrait également craindre le pire en voyant un tel livre adapté à l'écran, alors même qu'il a récemment touché en plein cœur son public et les critiques et révélé le talent de conteur social de Nicolas Mathieu.

Mais force est de constater que les frères Boukherma, décidément inclassables, s'en sortent avec quelques honneurs.


Au livre ils lui retirent tout de même, et c'est en partie regrettable, sa portée et son contenu sociologiques et politiques, n'abordant que d'un biais très léger les classes populaires, le racisme systémique que seul le travail permet de lisser, cette région et les vies qui la peuplent broyées par les machines économiques. Les frères Boukherma semblent en effet plus intéressés par les personnages que par le terrain sur lequel ils évoluent. Au déterminisme et aux conséquences des actes des adultes, ils préfèrent parfois filmer de simples duels, des rivalités viriles comme le cinéma sait en faire beaucoup.

On pourra regretter ainsi ce refus régulier du naturalisme documentaire et cette préférence pour un expressionnisme coloré, rendant cette adaptation fidèle du roman de Mathieu désincarnée et comme déracinée de ses enjeux, mais résolument sensible.


Car c'est en fait cette jeunesse incandescente que les réalisateurs semblent prendre un plaisir communicatif à filmer, ces premières fois, ces amours d'été, ces conneries, ces bagarres, ces fêtes, ces abus, ces émotions vives, et sans fétichisme aucun.

D'un même geste on pourra donc saluer cette position esthétique, tant elle ajoute une imagerie concrète aux mots, dressant grâce au montage et à quelques idées bien pensées des parallèles marquants (ici deux mains bandées, là des déshabillages pour des raisons différentes) qui montrent encore mieux le lien, l'interdépendance entre les personnages dans le chœur forcé qu'ils forment ensemble (on pensera notamment au troisième sergment, ce superbe 14 juillet 1996). Ces personnages si beaux, si riches, des enfants aux adultes. Ce sont d'ailleurs ces derniers les plus déchirants (Sagnier et Lelouche en tête, émouvants aux larmes), tant ils sont les témoins désormais incapables, impuissants, des conséquences de leurs échecs, de leurs erreurs qu'ils voient répétées, des engrenages de violence qu'ils ont construits et dont leurs enfants, après eux, tente de se débarrasser ou, du moins, de faire leurs.


De la chronique générationnelle dense qu'était le roman de Mathieu, les frères Boukherma préfèrent donc en tirer, comme le dirait Cabrel, "une histoire ordinaire" donc universelle, fugace, furieuse, enragée de vivre, et une belle ode à la famille et l'amour sous toutes ses formes.

Créée

le 31 déc. 2024

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Charles Dubois

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