4 étés au fil des années 90 en Moselle avec lacs, hauts fourneaux et Vosges en arrière plan où Anthony et son cousin s'emmerdent copieusement. Au bord de l'eau, Anthony frôle le pied de Stéphanie et c'est l'amour. Il n'a que 14 ans dissimule mal derrière ses boucles rebelles une acné envahissante et un problème à l'oeil droit, elle est sans doute un tout petit peu plus âgée. Au cours des années ils vont se retrouver, s'éloigner sans que réellement l'histoire d'amour se concrétise ou si peu, ou si mal. Un soir pour rejoindre la belle, Anthony emprunte la moto de son père et c'est le drame. L'engin de collection, prunelle des yeux de Patrick le père est volé, rapidement retrouvé enflammé et le coupable idéal est Hacine le petit petit caïd du coin.

Le film adapté d'un roman à grand succès de Nicolas Mathieu, régional de l'étape, a (je trouve) la mauvaise fortune de sortir quelques semaines après L'amour ouf qui malgré certaines outrances évoquaient exactement les mêmes thèmes (amour, déterminisme social, violence) dans une époque identifiée et garantie sans portable. L'amour ouf avait autrement plus de panache, d'énergie et surtout d'émotion dont celui-ci est totalement dépourvu. Là où Gilles Lellouche (réalisateur) ne nous laissait pas un instant de répit, nous attachait instantanément à ses personnages et nous bouleversait, les frères Boukherma maîtrisent mal les ellipses, nous entraînent mollement à la suite d'Anthony et son drôle de destin. Au bout d'une heure je me suis surprise à me demander : "ok, on a compris la mise en situation, il commence quand le film ?" Avant qu'il ne se passe quoique ce soit, j'ai fréquemment soupiré poliment en m'agitant sur mon siège. Quelques scènes font que l'on se redresse. On pressent régulièrement le drame, le climat souvent anxiogène nous y aide. Le drame survient et parfois en pire. Et le soufflé retombe en attendant la suite. Comme toujours j'ai été consternée devant ces scènes où l'on fait baiser des ados comme des acteurs de porno. Ces scènes repoussantes manquent de tendresse, de maladresse et d'intérêt.

Les réalisateurs ne font pas grand chose du décor des hauts fourneaux à l'arrêt ou rouillés. Cela aurait tout aussi bien pu se dérouler ailleurs. Ils constatent le désoeuvrement, l'alcoolisme, la violence, renvoient un jeune au bled... et ? Rien. Ils tournent en boucle autour du déterminisme social. A Walincourt c'est fanfare ou foot, en Moselle c'est chômage, deal et violence. La seule qui cherche à s'échapper de cette fatalité en faisant des études et en quittant la région est Stéphanie qui rejette constamment Anthony sans doute consciente qu'il la tirerait vers le bas mais elle ne réapparaît au fil du temps que pour s'entendre dire "tu es belle" et reste toujours un personnage très secondaire.

Le plus joli moment dure quelques instants, lors d'un slow un samedi soir sur la terre (on échappe de justesse au groupe Image) où enfin l'émotion affleure mais à peine et il est bien tard. Il reste une réplique qui m'a amusée : "Il est en A, il lit camus" (traduction : il est chiant, lol), et la play-list karaoké garantie années 90 : Aerosmith, Red Hot Chili Peppers, Bruce Springsteen, Metallica, Goldman, Cabrel, Hallyday.

Je n'oublie pas le casting. Comme il arrive parfois, l'interprète principal se fait allègrement voler la vedette par les personnages secondaires : Sayyide El Alami dans le rôle de Hacine, quelle présence ! par Ludivine Sagnier la mère courage(use) à la beauté qui commence à se faner et Gilles Lellouche en père qui n'y arrive pas... Raphaël Quenard écope d'un "sketche" où il se montre terrifiant. Quant à Paul Kircher, petit prince du cinéma français (comme l'a surnommé Télérama), je ne le trouve pas très plaisant à regarder et encore moins à entendre et je trouve surtout son jeu plus que limité à une unique expression boudeuse et renfrognée qui colle au rôle certes mais manque un peu de nuances.

LaRouteDuCinema
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le 5 déc. 2024

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