A. Serra nous emmène pour une nuit de liberté au cœur du siècle des lumières. Des libertins, adeptes du courant philosophique né quelques décennies plus tôt, sont chassés de la cour de Louis XVI, qui veut replacer la morale religieuse au centre de la cour du Roi. Cherchant refuge et soutien auprès d'un noble allemand (le Duc de Walchen), ils s'arrêtent le temps d'un bivouac pour procéder à une nuit folle où les ébats sexuels se conjuguent aux réflexions sur leur devenir...
Le film trouve un écho avec notre contemporain et la gouvernance de la bien-pensance moderne. Le sexe y est crû, douloureux, excitant mais, malgré tout, ennuyeux : les protagonistes s'ennuient dans leurs recherche d'assouvissement total. Une se fait fouetter à coups de bâton, mais ce n'est jamais assez fort, un autre subit les supplices de la scatophagie mais "ne bande jamais"... Et ce mortel ennui est magnifiquement filmé par Albert Serra. La mise en scène de la nuit, lente, très lente, nous la fait paraître interminable. Il nous fait voyeur, comme les valets. On regarde les ombres se mouvoir, on devine ce qu'il se passe, mais c'est souvent suggéré. On entend des bruits, des mugissements, des soupirs de plaisir. On veut tourner la tête, mais la caméra ne bouge pas... On fantasme donc, comme les valets, si proches et si loin de cette classe sociale qui se permet le luxe de s'amuser contre la morale religieuse. Parfois, Serra nous laisse voir, alors on tire le rideau de la chaise à porteurs, et la porte des enfers s'ouvre...
Alors, arrive le jour, lentement, mais inexorablement et, avec lui, l'écho du glas du siècle des lumières et du libertinage. La moralité reprendra le pouvoir pour les siècles des siècles...