Il ne faudrait pas cantonner Licorice Pizza à une romance adolescente aux sketchs se succédant sans cohérence narrative. Ce film ne raconte pas une histoire d’amour, on est bien loin du schéma classique de la comédie romantique. Au contraire, tout est condensé et annoncé dans une première scène magnifique : les jeux de regards, les gestes maladroits, les sourires gênés trahissent immédiatement l’attirance de l’un pour l’autre. 


Si le décor est planté en ce qui concerne leur amour, il l’est aussi pour ce qui constitue à mes yeux le vrai sujet du film : la quête de soi, d’identité au moment du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Et à travers leur relation, c’est avant tout une reconnaissance de soi à travers sa relation à l’autre qui naît. Évidemment, on pense au miroir tendu par Alana à Gary lors de la première scène. 


Le thème de la bascule entre deux âges est en effet omniprésent dès les premières scènes : Gary, adolescent de 15 ans au comportement d’adulte, adultes dont il mime les répliques (comme au restaurant face à Alana) et les lubies (monter ses petits business), face à Alana, jeune femme de 25 ans mal dans sa peau qui peine à trouver sa voie et se fait réprimander par son père quand elle rentre chez elle à 22h. L’un semble trop pressé de devenir adulte quand l’autre n’y parvient pas.  


Gary sera pour Alana cette tornade d’insouciance, de spontanéité face au monde adulte, plein de faux-semblants (« Is this lines or is this real ? » à Sean Penn ou encore la scène avec Joe Wachs et son amant), de grossièreté (la main aux fesses du photographe en ouverture contraste avec la main retenue de Gary au-dessus du sein d’Alana). 


L’impossibilité de l’expression du sentiment amoureux, jusqu’au « I love you » final qui semble pensé plus qu’énoncé par Alana, est un autre thème majeur du film. Gary n’arrive pas à définir ouvertement la nature de leur relation (« We’re friends Alana », « She’s my ladyfriend »). Les corps trahiront leurs sentiments, que ce soit les échanges de regards complices ou encore les nombreux moments où on les voit courir l’un vers l’autre. 


Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce film plein de grâce et à la BO entraînante mais je me contenterai de saluer les performances d’Alana Haim et Cooper Hoffman, qui dégagent une authenticité incroyable durant les 2h du film.

Gabagool
8
Écrit par

Créée

le 9 juil. 2022

Critique lue 13 fois

Gabagool

Écrit par

Critique lue 13 fois

D'autres avis sur Licorice Pizza

Licorice Pizza
EricDebarnot
9

There Will Be Love

Nous ne sommes pas de grands fans du cinéma souvent lourd, emphatique, très calculé dans ses effets de Paul Thomas Anderson, à notre avis un disciple surdoué de Scorsese ayant trop souvent basculé du...

le 6 janv. 2022

165 j'aime

7

Licorice Pizza
Contrastes
4

Empty seventies

On pourrait tout envier aux années 70 : la société de consommation semblait encore parée de quelques bonnes intentions, la sexualité enfin débridée, et l’engagement humaniste s’imposait comme une...

le 8 janv. 2022

101 j'aime

15

Licorice Pizza
venusinfinitesimale
5

Un film qui ne tient pas toutes ses promesses

Après le sublime "Phantom Thread" dans lequel il filmait avec brio et une élégance appliquée magnifiant des acteurs au sommet de leur talent un Pygmalion styliste de mode et sa muse, Paul Thomas...

le 5 janv. 2022

63 j'aime

7

Du même critique

Les Banshees d'Inisherin
Gabagool
5

Banshees of Inisherin like

Dans Banshees of Inisherin, Martin McDonagh mélange dans son chaudron scénaristique tous les ingrédients d’une fable : décor pittoresque (une île au large de l’Irlande aux paysages magnifiques), une...

le 30 déc. 2022

11 j'aime

En salle
Gabagool
7

Drive me to the end of love

Premier roman de Claire Baglin, En salle alterne le récit du quotidien de la narratrice employée dans un fast-food et des souvenirs d’enfance, d’adolescence. Tous ces épisodes d’enfance ne sont pas...

le 5 sept. 2022

6 j'aime

2

Pacifiction - Tourment sur les îles
Gabagool
10

Le mirage des Syrtes

En présentation de son dernier film, Memoria, Apichatpong Weerasethakul expliquait qu’il était presque souhaitable de se laisser aller à fermer l’œil devant son film, que ce n’était pas l’effet...

le 16 nov. 2022

4 j'aime