Life is beautiful (2022) - 인생은 아름다워 / 122 min.

Réalisateur : Choi Kook-hee - 최국희

Actrices principales : Yum Jung-ah – 염정아 ; Ryu Seung-ryong – 류승룡 ; Park Se-wan - 박세완.

Mots-clefs : Corée du Sud - Comédie musicale - inémancipation féminine.


Le pitch :

Se-yeon est malade. Elle n'a plus que quelques mois à vivre. Pour surmonter ce coup de massue, elle décide qu'elle ne passera pas le temps qu'il lui reste à être cette femme au foyer transparente aux yeux des siens qu'elle est devenue. Elle veut vivre à fond et retrouver son premier amour. Une folle aventure commence, dans laquelle elle embarque son mari un peu malgré lui.


Premières impressions :

L'enfer est pavé de bonnes intentions, le cinéma coréen aussi. En réalisant Life is Beautiful, le réalisateur Choi Kook-hee (Split, 2016 ; Default, 2019) avait en tête de faire son Parapluie de Cherbourg sauce coréenne en s'appuyant sur un sujet à la mode : L'émancipation d'une femme. Seulement voilà alors que le réalisateur signe un film musical très bien orchestré, parsemé de chansons du répertoire classique coréen, alors qu'il signe avec brio l'intégration des parties chantées aussi bien aux dialogues qu'au scénario, alors qu'il signe une réalisation technique superbement exécutée, Choi Kook-hee signe un film d'une morale incroyablement...sexiste.


Revenons au début. Se-yeon (Yum Jung-ah) est une femme au foyer dans la cinquantaine qui vit avec sa fille et son fils, deux adolescents forts peu reconnaissants, ainsi qu'avec son mari (Ryu Seung-ryong), un gros con sexiste qui lui hurle dessus à tout bout de champs, se contente de mettre les pieds sous la table et lui balance ses fringues à la tronche si elles n'ont pas bien séchées après lavage. Bref, c'est à se demander si le type connait le nom de ses enfants, mais heureusement pour lui, bobonne Se-yeon est une admirable nunuche qui n'a pas conduit depuis l'obtention de son permis dans une pochette surprise et qui n'est même foutue de prendre le bus sans se tromper. M'voyez, les femmes et le sens de l'orientation tout ça... Bobonne arrive donc en retard aux résultats de sa consultation médicale et c'est Jean-Michel sexiste qui se voit entendre que sa femme de ménage, euh non, sa conjointe, n'en n'a plus que pour deux mois. Jean-Michel est bien emmerdé parce qu'il avait prévu de compter ses orteils et qu'accessoirement il a un poil du mal avec l'expression des émotions. Seulement il faut quand même bien qu'il lâche le morceau, ne serait-ce que pour que bobonne fiche la paix à sa petite intériorité de mâle qui va bientôt devoir se taper la vaisselle lui-même après trente ans de bons et loyaux services maritaux. Ah l'obsolescence programmée, quelle misère.


Jusque-là et malgré les énormes clichés sur les femmes qui n'ont aucune tête et qui ne sont pas foutues de lire un numéro de bus, le film n'est presque pas sexiste. Calmez-vous, je m'explique. Le film donne dans le cartoonesque et si Jean-Michel est un gros con sexiste, et qu'en plus il le reconnaît, voir l'assume, cette configuration de couple n'a rien de bien rare en Corée, particulièrement dans les couples de plus de cinquante ans. Lors de mes interviews réalisées avec de nombreuses femmes coréennes, j'ai souvent été confronté à des femmes au foyer (ou pas), dont le mari était incapable de faire une lessive, voir de choisir ses vêtements. J'ai rencontré de nombreuses femmes coréennes qui avaient abandonné toute ambition personnelle pour rester mariée au "premier", sous la pression sociétale, en n'ayant jamais eu l'audace de divorcer (et donc de passer pour la lie de la société). Non, ce qui me pose réellement problème, c'est la suite du film...


Affectée par la nouvelle de sa mort prochaine, Se-yeon ouvre enfin les yeux sur son quotidien merdique et décide qu'il serait peut-être temps de vivre un peu pour elle. À l'évidence, son mari ne l'aime pas, alors autant essayer de retrouver son bel amour de lycée. Et puis parce qu'on est dans un film bien sexiste, bobonne va quand même aller s'acheter un sac Chanel avant de partir à l'aventure. Il est bien connu qu'une femme au foyer s'émancipe en achetant des fringues et en se raccrochant à un prince charmant adolescent. De toute façon Se-yeon est incapable de quoi que ce soit sans son mari, et lui, beau prince, accepte de l'aider à retrouver ce premier amour, parce que vous voyez, après trente ans à hurler sur sa femme il est "open-mind". La suite serait difficile à raconter sans spoiler plus de quinze minutes de film, mais disons que ce parcours d'émancipation permet surtout à bobonne de se souvenir que Jean-Michel a été romantique en 1912 et que par conséquent, il méritait peut-être ce sacrifice d'une vie.


Alors oui, on peut lire des avis dithyrambiques sur Life is beautiful et il faut reconnaître que le film est entraînant, qu'il nous fait rire et pleurer. Il faut aussi reconnaître que les actrices et acteurs sont globalement très bons et que l'atmosphère cartoonesque n'empêche pas de verser sa larme sur le final. Je comprends aussi que l'amateur de cinéma coréen aime ce film rempli de clin d’œil à des tas de films très connus en Corée. Je comprends aussi que les coréens aiment son rythme entraînant et ces chansons connues de tous, parce qu'aussi bien techniquement, que dans le son, dans le rythme, le jeu, Life is beautiful est un bon film. Seulement voilà, nous sommes en 2022 et malgré les mouvements féministes de ces dernières années, le scénario qui croit nous narrer une émancipation féminine ne fait que mettre en scène les composantes d'une inémancipation. Dans le fond, le film nous dit que rester 30 ans avec un gros con maltraitant est une gloire et que les trois mots d'amour des six premiers mois valent bien le sacrifice de toute une vie. Le petit sexisme ordinaire en somme.


GwenaelGermain
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le 28 oct. 2022

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