Sous son apparente simplicité, d’aucuns iront jusqu’à dire son côté simpliste, « Lilting ou la délicatesse » est un œuvre beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Par la multiplicité de thèmes abordés (culpabilité, isolement, vieillesse, homosexualité…) Hong Khaou construit une fiction presque à la limite d’une fable philosophique dont le pivot est Junn, chinoise qui est venue s’installer à Londres avec son mari pour offrir un avenir à leur fils Kai. Ayant perdu les deux hommes de se vie (dont son fils très récemment), elle se retrouve isolée dans une maison de retraite, attendant un regain de vie jusqu’à l’arrivée de Richard (compagnon du fils). Cette confrontation en huis clos, s’ouvrant parfois à quelques personnages secondaires tout aussi bien ciblés, ouvre le champ aux échanges, où rancœurs, incompréhension, faux-semblants, élans d’amour forment une trame donc l’unique objectif est que chacun retrouve une sérénité, termine son travail de deuil. Entre Junn, enfermée (au sens propre comme au figuré) dans son monde avec comme seule arme le mutisme, un Richard qui fait abstraction totale de sa vie pour aider la vieille dame, Kai dont le fantôme plane à chaque instant, Vann, l’unique lien linguistique entre Junn et Richard, qui outrepasse son rôle d’interprète et Allan le vieil amoureux aussi transi qu’obsédé, les portraits dressés, entre sensitivité et sensibilité, sont d’une délicatesse et d’une exactitude rares. La mise en scène, très sobre et déstructurée insuffle une constante quiétude même au plus fort du malaise, laissant libre court à l’instinct des acteurs. Pei Pei Cheng, admirable dans le rôle de Junn, Ben Whislaw, au jeu toute en retenue ou Andrew Leung au charisme troublant, se donnent entièrement à leurs rôles sans jamais tomber dans l’excès. Ce film dur et traversé par l’émotion, magnifiquement mise en image et musique, vous enlace et vous submerge par la force de son propos. Le langage de l’amour et l’attachement, n’ont pas besoin de mots, il dépasse les frontières de la vie comme l’illustre la scène finale, qui, malgré la nostalgie, suscite la joie intérieure. « Lilting ou la délicatesse » n’est peut-être pas le meilleur film de l’année, mais il est assurément le plus beau.