Une bande annonce réussie n'est jamais un bon présage. Celle de Limbo annonçait un film noir, âpre, sale et poisseux. Mieux encore, une enquête criminelle implacable digne du génial Memories of murder. Grosse déception !
Car n'est pas Bong Joon-Ho qui veut... N'en déplaise à Soi Cheang qui signe un polar, certes réussi du point de vue formel, mais scénaristiquement creux et paresseux.
Memories of murder utilisait le crime en série comme une toile de fond, un prétexte génial pour dépeindre la société sud-coréenne en pleine transition démocratique et sociale. Aucune ambition de la sorte pour Limbo qui restera désespérément harnaché à son objectif commercial premier : nous livrer un polar de serial killer totalement référencé à Seven de David Fincher. L'inventivité et le second niveau de lecture en moins.
Avec Limbo, nous aurons donc droit à une enquête policière en Noir et Blanc dans les bas-fonds poisseux de Hong-Kong, lieu où sévit, au milieu des ordures, un psychopathe fétichiste des mains gauches féminines. Un énième duo de flics situés aux antipodes l'un de l'autre va tenter de démêler l'écheveau : le jeune bleu fraichement sorti de l'école devient le supérieur d'un vieux briscard aux méthodes brutales, évidemment aux prises avec ses démons après un traumatisme récent.
Malheureusement, le duo de Limbo ne fonctionne pas car le réalisateur se contente de faire un clin d'œil appuyé au duo Freeman/Pitt de Seven mais prive ses deux personnages de toute profondeur psychologique. Là encore, nous sommes à des années-lumière du génial duo policier de Memories of murder, confrontation entre un flic des villes et un flic des champs formidablement mise en scène pour mieux dépeindre les fractures sociales de la société coréenne. Dans Limbo, le duo se mue très vite en trio avec l'arrivée d'une jeune junkie qui crève l'écran en qualité d'appât en quête de pardon... Pour le coup, la prestation de la jeune actrice Yase Liu est objectivement la seule vraie réussite du film.
Côté scénario, Limbo est une succession d'invraisemblances. Summum du pathétique dans cette scène lunaire au milieu du film : le jeune flic qui vient de passez des heures dans les ordures les plus repoussantes de la ville à la recherche d'une victime démembrée retrouve son épouse en pleine ville et l'embrasse comme si de rien n'était ! Le poisseux sous forme aseptisée, ce qui résume assez bien Limbo.
Bref, peu de choses viennent sauver ce polar étonnamment encensé par la critique. Un film qui ne raconte rien ou presque et réussit même l'exploit de rater sa cible côté angoisse et épouvante. Car, il ne suffit pas de montrer le glauque à grands renforts d'images chocs pour que celui-ci prenne corps dans l'esprit du spectateur.