Limbo
6.6
Limbo

Film de Soi Cheang (2021)

Dans l'ombre étouffante des ruelles d'Hong Kong, Limbo nous convie à une danse macabre, où chaque pas est un frisson, chaque mouvement, une supplication. Ce film, d'une noirceur crasse et d'une crudité sans fard, nous emprisonne dans une boucle infernale, où le malheur s'abat sur ses protagonistes avec une régularité et une intensité qui frisent l'absurde. En effet, le sort s'acharne avec une telle véhémence que l'on pourrait presque croire à une farce cosmique, si la douleur n'était pas si viscéralement ressentie.


Au cœur de ce tourbillon de désespoir, un personnage en particulier semble avoir tiré le ticket perdant de la loterie de l'existence, traversant ce que l'on pourrait euphémiquement qualifier de "très mauvaise journée". Cette expérience, quasiment trop réelle pour être supportable, nous est servie par une mise en scène qui frise le voyeurisme, la caméra se faisant l'œil indiscret du destin, capturant chaque moment de détresse avec une précision chirurgicale.


La direction artistique de Limbo est une ode à la misère, magnifiée par le choix du noir et blanc. Ce parti pris esthétique ne fait pas que souligner la saleté omniprésente des rues hongkongaises ; il en devient le narrateur muet, conférant au film une aura presque palpable, un malaise qui s'infiltre sous la peau, révélant la beauté dans la laideur, la lumière dans l'obscurité.


Ce film est un monolithe, un bloc de sensations brutes qui se suffit à lui-même. Il n'y a pas grand-chose à ajouter, tant Limbo est une expérience cinématographique qui se vit plus qu'elle ne se raconte. L'analyser, c'est un peu comme essayer de décrire la couleur du vent : une entreprise vouée à l'échec, mais fascinante dans sa tentative.


Alors, oui, Limbo est une œuvre sombre, crade, une plongée dans les abysses de l'âme humaine et de la société. Mais n'est-ce pas là, dans ce miroir sans concession qu'il nous tend, que réside sa beauté dérangeante ? Ce film ne cherche pas à nous séduire par des artifices ; il nous confronte à une réalité stylisée, nous forçant à regarder, sans détours, ce que l'on préférerait souvent ignorer.


En fin de compte, Limbo est comme ce café trop amer que l'on boit d'un trait, non pour le plaisir, mais pour l'éveil brutal qu'il procure. Une œuvre qui, par son implacable réalisme et sa direction artistique inspirée, nous rappelle que même dans les profondeurs de la désolation, il reste une place pour l'esthétique, un semblant d'ordre dans le chaos.

Kuroneko-Screen
8
Écrit par

Créée

le 17 févr. 2024

Critique lue 12 fois

Kuroneko-Screen

Écrit par

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur Limbo

Limbo
mymp
5

Tu t'es vu quand t'abuses ?

Un flic vétéran, une jeune recrue avec qui il doit faire équipe, un serial killer qui rôde, une ville en pleine déliquescence, des personnages qui expient, qui endurent et se questionnent… Ça ne vous...

Par

le 19 juil. 2023

41 j'aime

5

Limbo
Arthur-Levain
3

Zhìchǐ (2021)

On peut communément trouver (au moins) trois raisons de surnoter un film.La première, récurrente, est l'incapacité au discernement.La seconde, très fréquente, est la provenance dudit film ...La...

le 20 oct. 2023

29 j'aime

14

Limbo
limma
8

Critique de Limbo par limma

Soi Cheang renoue avec un cinéma sombre et âpre au scénario classique mais qui réserve quelques trouvailles filmiques aptes à rendre son ambiance bien noire et désespérée. Un binôme de flics en...

le 26 sept. 2021

22 j'aime

4

Du même critique

Cruella
Kuroneko-Screen
6

Entre Drapés et Dérapages

Cruella émerge comme une étonnante révélation. Ce film, avec son rythme effréné et son esthétique léchée, nous plonge dans une exploration flamboyante de la mode. Les costumes, élégants et soignés,...

le 15 févr. 2024

1 j'aime

La Réceptionniste Pokémon
Kuroneko-Screen
5

Splendeurs Visuelles et Vide Narratif

Dans l'ombre d'un univers où la magie du quotidien se fond dans l'extraordinaire, se dresse l'hôtel de La Réceptionniste Pokémon, un sanctuaire de quiétude pour créatures en quête d'un havre. Avec...

le 17 févr. 2024

Uncharted: Drake's Fortune
Kuroneko-Screen
6

Au commencement était le Chaos

Dans les tréfonds de l'histoire vidéoludique, où les légendes prennent forme et les mythes se tissent à travers pixels et polygones, repose Uncharted: Drake's Fortune — une épopée qui, malgré ses...

le 18 févr. 2024