Je ne peux plus dire "C'est sûr, il va avoir l'Oscar" puisque maintenant, il l'a eu. Je ne qu'en penser, il est certes excellent le père Daniel, mais sa performance est trop affectée, trop estampillé "je veux un oscar et je l'aurais".

Et c'est à peu près tout ce qu'on peut dire du film de Spielberg, grande fresque monumentale mais sobre, extrêmement maîtrisée, lyrique, où chaque plan est étudié et renvoie à un courant de peinture classique - ici, essentiellement la peinture camériste en clair obscur, écoles espagnoles et flamandes, pour les scènes d'intérieur, mais aussi des peintres plus spectaculaires pour les scènes extérieures, de guerre ou de liesse. Bref, la photo est absolument somptueuse (il est à ce titre douteux que Life of Pi ait eu l'oscar, tant le film est pompier), l'atmosphère crépusculaire façon "attention, période sombre + tournant historique" est très réussie quoiqu'un peu appuyée.

Les acteurs font tous leur boulot à la perfection, distribution éclatante et direction d'acteurs d'un classicisme absolu mais pas désagréable. La musique s'efface un peu mais resurgit vers la fin, lyrique, et très typique du travail de John Williams pour Spielberg.

Je comprends qu'on ne soit pas sensible à ce grand cinéma américain, hollywoodien jusqu'à la moelle, mais il faut reconnaître que c'est du travail bien fait, sincère, un peu naïf peut-être. Il y a peu de choses à dire à priori car cela reste du cinéma de divertissement et d'information : difficile de passer outre la dimension très pédagogique du film, qui semble voué à être diffusé dans les collèges et lycées pour abréger les cours sur l'histoire des Etats-Unis.

Cependant, l'intelligence du scénariste ici est de montrer deux choses surprenantes pour le spectateur actuel (et non américain) : ce sont les républicains qui étaient en faveur de l'abolition, et non les démocrates, qui apparaissent ici comme des monstres d'inégalités et de conservatisme. Il aurait intéressant que le film explique un peu plus ce fait, et montre comment la tendance s'est peu à peu inversée. Ensuite, la manière dont le processus démocratique est envisagé est également passionnante et jette un voile d'ombre sur la personnalité pourtant louable du Honest Abe. Corruption, achat de voix, vote d'influence, tous les moyens sont bons pour convaincre les sceptiques ou les hostiles de changer de bord, et le film est plutôt ludique et passionnant lorsqu'il suit les émissaires de Lincoln dans leur chasse aux soutiens. On regrettera la fin, sur la mort du Président, un peu trop larmoyante et prévisible même si relativement sobre (le meurtre n'est pas montré).

Spielberg signe donc un très bon film, de facture irréprochable, extrêmement classique certes mais par conséquent relativement intemporel (il pourrait être vieux comme actuel en fait). La représentation de débats à la chambre, avec ses bons mots et ses piques assassines, trouve un écho particulier en France en ces temps houleux de débats à l'Assemblée. J'avais presque l'impression que Taubirat allait débarquer au milieu du film et se lancer dans un discours fort et émouvant sur la négritude ! Je dois également avouer que le film, même s'il traite d'un sujet dont l'issue est connue de tous, est parvenu à m'émouvoir fortement grâce à la justesse avec laquelle sont saisies les destinées individuelles de certains personnages. Beau film.

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le 26 févr. 2013

Modifiée

le 26 févr. 2013

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Krokodebil

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