Steven Spielberg a enfin mis en scène les derniers mois de la vie du seizième Président des États-Unis, se battant sans relâche pour faire passer le 13e Amendement (abolissant enfin l'esclavage) avant son assassinat. Le film se penche donc sur un moment finalement important de la vie de Lincoln, Spielberg préférant se concentrer sur un point précis plutôt que de faire un biopic relatant (bâclant) les autres grands passages de sa vie... En un sens, Lincoln est une œuvre puissante, maîtrisée, historiquement rigoureuse, une fresque longue et soignée comme seul le réalisateur de La Liste de Schindler ou encore Munich peut faire, un film engagé bien entendu nanti d'une équipe technique époustouflante et d'un casting de choix.
C'est d'ailleurs le point fort du long-métrage : outre des acteurs excellents, rentrant tous avec merveille dans la peau de leurs personnages complexes (mention spéciale à Tommy Lee Jones, David Strathairn, Sally Field ou encore Joseph Gordon-Levitt, comme d'ordinaire parfait), c'est surtout et avec évidence Daniel Day-Lewis qui crève l'écran, l'acteur de composition nous livrant ici une prestation inoubliable dans le rôle-titre, incarnant ou plutôt habitant avec une incroyable virtuosité le Président Lincoln. Sans cesse calme, très souvent silencieux mais invétéré bavard quand il est lancé dans un discours engagé, le personnage est ici présenté comme un homme quelque peu torturé, finalement très solitaire, toujours prêt à lancer une boutade pour détendre les nombreuses tensions mais également un homme politique effréné que rien ne semble arrêter.
Dans un autre sens, Lincoln est un film relativement difficile à apprécier tant sa longueur évidente, son indubitable lenteur et ses obligatoires séquences d'interminables discussions empêchent le spectateur lambda de vraiment s'immiscer dans ce récit tendu mais passionnant, du moins si on s'y penche avec attention. Car ce biopic n'épargne non seulement aucun détail de ces trois derniers mois de la vie du Président mais s'intéresse aussi à sa vie privée compliquée (auprès de sa femme et surtout d'un fils éloigné) et relate un évènement majeur de l'Histoire américaine, chose que nous autres Européens pouvons ne pas vraiment s'intéresser. Il faut donc s'armer de patience et d'un sens aigu de l'attention pour pleinement capter tous les détails de ces longues discussions politiques intervenant quasiment pendant l'intégralité du métrage. Ainsi, Lincoln n'est pas le meilleur film de Steven Spielberg mais reste un excellent biopic, émouvant et mis en scène à la perfection, principalement porté par l'incroyable prestation de Daniel Day-Lewis.