Ce premier long-métrage de Zelda Williams (la fille du très regretté Robin !), scénarisé par Diablo Cody (à qui on doit le très bon Juno ainsi que les très mauvais Jennifer's Body et Young Adult, qui abordent le passage psychologique difficile à l'âge adulte !), avait, a priori, tout pour me plaire sur le papier. En effet, si, aujourd'hui, la plongée un peu trop nostalgique et idéalisée dans les années 1980 pourrait être considéré comme un genre à part entière, tellement les studios hollywoodiens creusent à fond ce sillon, je confesse être un fan du film Heathers, avec une Winona Ryder phénoménale, petit bijou d'humour noir, bien noir, satirique, déjanté, s'en foutant autant du politiquement correct qu'un politicien de l'intégrité, sarcastique comme ce n'est pas permis, sachant aller vraiment très loin sans aller trop loin, réjouissant tout en étant perturbant, que je trouve un peu trop mésestimé (notamment sur ce site !).


Oui, parce qu'en ce qui concerne l'intrigue générale de ce Lisa Frankenstein, la principale influence est Heathers. Bien sûr, vous ne manquerez pas de citer l'univers de Frankenstein (c'est comme le Port-Salut !). Pour ce qui est des eighties, vous ne manquerez pas de me mentionner aussi Weird Science de John Hughes (les deux personnages principaux réussissant à rendre vivant l'objet de leur fantasme, une sublime créature nommée... Lisa !). Et évidemment, on a du Tim Burton, c'est Edward aux mains d'argent qui a l'apparence et le comportement de Sweeney Todd, avec un peu de Beetlejuice.


Heathers, sous une bonne couche d'humour noir jouissif, parvient, à l'échelle d'un lycée, à recréer le tableau peu flatteur de la société, avec comme thématiques, en toile de fond, le harcèlement ainsi que le culte de l'apparence. Thématiques si humaines et pourtant si déshumanisantes. Si j'ai apprécié cette œuvre, c'est parce qu'elle tire à boulets rouges sur des personnifications, certes volontairement grotesques, mais absolument détestables, car portant une part terrible de vérité, et en ridiculisant à l'extrême les "valeurs" liées aux thématiques susmentionnées, le tout avec des réactions cohérentes venant des caractères.


Lisa Frankenstein n'y parvient pas. Déjà, elle tente de mêler des éléments trop réalistes, incarnés par les personnages secondaires (en outre, certains d'entre eux sont trop sous-exploités pour être un tant soit peu efficaces !), avec des éléments trop absurdes, à l'instar du fait qu'il suffit d'une aiguille et d'un fil pour greffer des parties de corps entre elles ou de celui qu'une cabine de bronzage suffit à donner une meilleure apparence à un cadavre ressuscité, sans parler du passage du monde des morts au monde des vivants. Résultat, ce n'est ni assez vraisemblable, ni, au contraire, assez absurde, pour que l'univers global fonctionne. C'est soit l'un, soit l'autre, pas les deux.


Ensuite, découlant partiellement de cela, les victimes (si je fais exception de l'horrible belle-mère incarnée par Carla Gugino !) sont incontestablement haïssables, suffisamment pour qu'elles soient punies, qu'elles morflent pas mal, mais pas suffisamment pour qu'on ait envie de les voir butées sans pitié.


Ensuite d'ensuite, le lourd traumatisme qu'a subi le protagoniste féminin, durant son enfance, n'est pas assez intégré tout du long. Uniquement dans le premier quart (ce qui fait que le meurtre de la belle-mère est justifié et plaisant aux yeux des spectateurs ; ce qui n'est pas le cas des autres !) et brièvement à la fin. L'évocation de ce traumatisme aurait pu injecter de la consistance à la satire (par le biais de l'indifférence de la société et de ses membres, trop centrés sur eux-mêmes, à l'égard de notre malheureuse !).


Pour finir, il n'y a pas de véritable évolution psychologique cohérente dans les relations dans le couple principal, que ce soit dans l'aspect romance (arrivant trop abruptement sur la fin, en ce qui concerne le point de vue de la fille, au lieu d'être développé de la première jusqu'à la dernière minute !) que dans le récit meurtrier (dans Heathers, on comprenait dès le premier aller-simple en Enfer que le personnage, joué par Winona Ryder, ne pas s'empêcher d'être excitée, du moins au début, que son nouveau petit ami soit un tueur psychopathe... dans le film critiqué ici, on ne sait pas... c'est complètement négligé, alors que c'est essentiel pour faire avancer le truc !).


Reste une forme, très flashy, très fluo, très pastellée, qui réussit visuellement à faire plonger dans la décennie de Thatcher et de Reagan, une bonne utilisation de morceau Strange de Galaxie 500 (dont les paroles sont bien en rapport avec la personnalité de l'antihéroïne du film !), lors d'une séquence de rêve inspirée, et un personnage intéressant et surprenant, à savoir celui de la belle-sœur (jouée à ce point excellemment par Liza Soberano, que l'actrice se permet même de piquer la vedette à ses partenaires !). Intéressant et surprenant, car si son personnage est dans la caricature de la fille jolie et populaire, loin de ce que l'on pourrait s'attendre de sa part (fille jolie et populaire, donc superficielle, donc égoïste, donc néfaste !), il se révèle être la seule personne non morte à faire preuve d'une véritable empathie envers le personnage principal, en avoir quelque chose à foutre de son bien-être. Dans un ensemble bien mieux écrit, ce caractère aurait pu incarner un contrepoint de bienveillance et de normalité plus que bienvenu par rapport à un monde anormal et malveillant ; c'est dommage.


Alors, je reconnais que je n'ai pas passé un mauvais moment devant Lisa Frankenstein. Dans la mesure que je ne me suis pas ennuyé. J'ai été diverti pendant son visionnage. Mais je suis trop conscient de ses gros et gênants défauts pour éviter de ressentir de la déception et de la frustration à cause de son potentiel. Bon, je n'ai plus rien à ajouter... ah si, regardez Heathers...




Plume231
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le 30 déc. 2024

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