Viens chez moi, j'habite chez une copine (mais elle me connais pas)

Ce film est une ode au couch-surfing, dans sa variante où le proprio n'est pas au courant qu'il prête sa maison. L'histoire d'un gentleman cambrioleur d'apparts, qui ne fait qu'emprunter les murs sans rien voler en quittant les lieux. Une délinquance indolore en somme, d'autant plus qu'il s'occupera de vos plantes avec grand soin, sans esquisser la moindre blague de petit con du genre je met du sel dans vos confitures ou je me torche avec vos nouveaux draps en soie. Squatteur certes, mais civilisé.


Tae-Suk (un nom à coucher dehors) n'a ni attaches ni contraintes, et enfourche sa squatmobile en 30 secondes chrono quand il faut changer de décor. Il y a quelque chose de doux-amer dans son quotidien atypique, foncièrement solitaire mais pas malheureux pour autant semble-t-il... en tout cas pas plus que certains foyers visités sur sa route, minés par leurs incapacités à communiquer et les conflits que cela génère.


Et puis une rencontre. Une cage à ouvrir. Aucun mot échangé, justement parce que ces deux là se comprennent, instinctivement. Comme un langage des cygnes, celui d'un tandem inattendu qui se révèle peu à peu fusionnel, relié par des gestes d'affection timides et des petits rituels de complicité attachants.


C'est donc une histoire étrange, singulière, mais envoûtante à sa façon. Malgré le rythme lent et cette quasi-absence de dialogues, pas une fois je n'ai décroché finalement. Une sensation d'absurde pointe ici ou là, mais le film arrive à dessiner sa propre cohérence poétique lorsqu'il s'éloigne du quotidien pur et dur. Dès lors ce qui serait bizarre en temps normal ne l'est plus ici.


Tae-Suk est peut être muet de naissance, on n'en saura rien. Quant au silence de Sun-hwa, on peut avoir du mal à le comprendre au premier abord, se persuader que la nature humaine devrait la pousser à engager la conversation. Mais je crois qu'il suffit d'accepter l'idée d'un mutisme tacite entre les deux, comme un mode de fonctionnement qui les apaise, pour que l'histoire fonctionne très bien sous ce prisme inhabituel. Les mots sont superflus dans leur relation, voilà tout, et parler briserait peut être une sorte de magie.


La dernière partie de Locataires s'engage un peu plus loin dans l'étrange, en se parant d'un parfum de ce réalisme magique cher aux romanciers sud-américains. Le basculement en question est emmené en douceur, sans essayer d'expliquer la chose, avec une élégance et une épure dans la mise en scène qui font que ça fonctionne très bien. L'histoire plonge alors dans une atmosphère qui se fait évanescente, jusqu'à son dénouement malicieux.

VilCoyote
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le 15 mai 2014

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