« Nature made me a freak. Man made me a weapon. And God made it last too long. » WOLVERINE

En 2013, la 20th Century Fox lance en catimini la production d'un troisième film sur le personnage de Wolverine. Le projet avance timidement. C'est d'autant plus vrai que Hugh Jackman, qui incarne le personnage depuis le début de la saga, a l'envie légitime de passer à autre chose après seize ans de bons et loyaux services. Le rôle de Wolverine est en effet avant tout physique. Et l'acteur doit, à chaque fois, se reconstituer une musculature impressionnante. Et c'est évidemment de moins en moins évident avec l'âge (et avec son cancer de la peau…). Il émet donc une seule condition quant à son retour dans un troisième film en solo : que l'opus soit véritablement bien écrit et surtout le dernier. L'acteur est, en fait, las des déboires des deux premiers films et prêt à ranger les griffes définitivement.

James Mangold, déjà réalisateur de The Wolverine en 2013, confirme sa participation. L'écriture du long-métrage peut commencer, le tournage est lancé en 2016 et le titre dévoilé : un sobre Logan.

Mais un élément vient changer la donne et il se nomme Deadpool !

Le film Deadpool est le tout premier film Rated-R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés aux États-Unis) de la franchise X-men. C'est également le plus gros succès de toute la saga ! La Fox réalise ainsi qu'un film de super-héros non classé tout public peut fonctionner. Ce constat digéré, la donne change pour le dernier volet de Wolverine. Et s'il était temps d'offrir au personnage un film violent et sanglant, à l'image de ce qu'il a toujours été dans les comics. Car, Wolverine reste, sur grand écran, un personnage bridé, entravé par l'obligation de livrer une aventure familiale : il n'a jamais pu se déchaîner et a toujours réfréné ses griffes tranchantes de découper à tout va. Cette situation longtemps déplorée par les fans qui ne pensaient pas voir un jour un Wolverine Rated-R, semblait immuable. Encouragé et convaincu par le succès de Deadpool, la Fox accepte sans se faire trop prier le classement R-Rated du troisième film sur le mutant griffu.

James Mangold suit donc une approche simple : faire de l'anti-spectaculaire. Comme une réponse aux spectateurs habitués à voir des super-héros sauver le monde en se battant contre de grands rayons lumineux venus de l'espace qui détruisent une ville depuis le ciel, le film va se contenter d'être terre à terre, fantastique mais réaliste. L'intime est toujours privilégié à la démesure. Dans un monde futuriste qui semble dépérir, les mutants ont ainsi quasi disparu, une simple poignée restant en vie. Entre les États-Unis et le Mexique, Wolverine, usé et vieillissant, s'occupe ainsi d'un Professeur X malade et âgé. Une fois le ton posé, l'intrigue se lance de façon explosive, tout en conservant un rythme qui prend son temps, jouant avec délices sur les interactions entre les protagonistes.

Les inspirations sont à l'évidence nombreuses et se dessinent en réalité rapidement. Le road-movie est la première évidemment lorsque les personnages partent sur les routes. Mais également le western avec ses grands espaces, ses cowboys et bandits modernes. James Mangold, Scott Frank, Michael Green et David James Kelly ont écrit le film comme un récit dont la trame relève du voyage familial intimiste. Dans cette optique, les quatre hommes ont construit une histoire axée sur trois personnages (Logan, Xavier et Laura) traversant un paysage désertique, avec un Logan plus vulnérable et perçu comme un descendant spirituel des héros de westerns comme ceux de The Outlaw Josey Wales et Shane, références des scénaristes.

D’ailleurs, le western que regarde le Professeur X dans le film est Shane de George Stevens. Le Professeur X raconte à Laura qu'il a vu ce film enfant, dans sa ville natale. Cela a été improvisé par l'acteur Patrick Stewart qui évoque ici son premier véritable souvenir cinématographique.

Une inspiration de taille est néanmoins à souligner : le comics Old Man Logan de Mark Millar a, en effet, durant la production du film, servi de référence pour imaginer à quoi il pourrait ressembler. Mais il était tout à fait évident que le récit papier ne pourrait être adapté tel quel à l'écran. James Mangold part ainsi dans une toute autre direction avec sa propre intrigue, et il a bien raison de le faire ! Là où son film et le comics se rejoignent, et ce sera le seul point, c'est donc dans l'ambiance de western futuriste.

Le film pioche ainsi de façon jouissive dans plusieurs genres et le fait brillamment. Car il sait conserver sa propre identité. Il se la crée dès ses premières minutes et y reste fidèle tout le long. James Mangold est manifestement un cinéphile orfèvre autant qu'il est cinéaste méticuleux ; ses clins d’œils au septième art sont légions.

La Fox ose donc à nouveau le Rated-R. Une classification plus que justifiée tant la copie rendue est sanglante, si ce n'est gore. Les scènes d'actions sont, en effet, d'une brutalité rarement vues au cinéma dans un film de super-héros. Quand les griffes sortent, le sang gicle et les membres sont découpés ou déchiquetés. Toute la fureur de Wolverine est enfin retranscrite après dix-sept ans de retenue pour convenances financières. Une fureur viscérale, sans aucune concession, parfaitement jouissive.

Il faut dire que cette violence prend tout son sens avec la réalisation de James Mangold. Sa mise en scène est, il est vrai, surprenante de discrétion. Efficace, lisible, posée, presque paisible. Que ce soit les scènes d'actions ou les scènes intimistes, le film est un régal visuel, magnifiée par une photographie somptueuse et une palette de couleurs très variées. Les scènes se passant de jour sont belles et, tour de force, les séquences de nuit tout autant. C'est maîtrisé de main de maître du début à la fin. La différence de traitement entre ce film et son The Wolverine, pourtant signés du même James Mangold, a d'ailleurs de quoi surprendre. Qu'il est agréable de voir enfin un réalisateur libre de donner à son film la direction voulue !

Hugh Jackman a toujours été à l'aise dans ce rôle, mais il donnait clairement l'impression de ne plus trop se fatiguer dans les précédents films de la saga, trop habitué à interpréter plus ou moins le même personnage. Ici, la performance est à souligner. Le mutant y est nettement plus développé et nuancé. L'acteur livre ici sa meilleure prestation, à la fois bestiale mais surtout, touchante. Le ton du film, son aspect posé, lui donne la possibilité d'incarner Logan et toutes ses facettes si complexes comme il n'a jamais eu l'occasion de le faire auparavant. Pour sa dernière fois, Hugh Jackman n'a jamais été aussi bon.

A ses cotés, Patrick Stewart a aussi l'occasion de changer l'image du Professeur X. Il n'a, en effet, jamais été aussi corrosif. Presque cynique. Un changement qui peut sembler déstabilisant tant il est différent de ce que le public connaît de lui, mais qui s'explique par le passé mystérieux qui entoure les deux personnages. Voir Logan s'occuper du professeur désormais aliéné et malade, alors même que c'est ce dernier qui l'a recueilli... Un retournement de situation touchant et lourd de sens. Tout comme Hugh Jackman, Patrick Stewart livre ici une prestation novatrice et mémorable. Enfin, il y a une jeune comédienne qui vole (presque) la vedette à Logan : la jeune Laura, incarnée par Dafne Keen livre un jeu d'une justesse incroyable. Avec ses seuls regards et cris, elle arrive à monopoliser l'attention dans toutes ses scènes. Et, plus encore, lorsqu'à son tour, elle se déchaîne. La relève semble assurée.

Les trois personnages assurent finalement un trio dynamique, complice et crédible. En se focalisant sur un nombre restreint d'intervenants, James Mangold et les autres scénaristes leur offrent ainsi une véritable exposition et peut creuser leur définition tout le long du film.

Enfin, un mot sur la bande originale qui devait être, à l'origine, composée par Cliff Martinez tant ses compositions à l'ambiance indescriptible collent parfaitement à l'envie du réalisateur. Pourtant, quelques mois avant la sortie, il quitte le projet sans que la raison du départ soit certaine. Il est remplacé au pied levé par Marco Beltrami qui présente l'avantage d'avoir déjà travaillé avec James Mangold sur 3:10 to Yuma et sur The Wolverine. Il livre ici une musique lancinante tout à fait adaptée au ton de Wolverine. Discrète ou envolée, elle sait toujours restée sobre, offrant à l'auditoire de jolis moments et belles qualités.

Logan est le plus beau des adieux possibles pour Hugh Jackman. Violent, viscéral, sanglant, tout en privilégiant l'émotion et l'intime, il marque assurément une étape dans la saga des X-men au cinéma. Sa singularité lui donne un charme immédiat. Bien que ne ressemblant en rien à ses prédécesseurs, il est sans aucun doute l'un des meilleurs volets. Hugh Jackman quitte la scène de la plus belle des façons imaginables en offrant la vision juste que le personnage méritait tant.

StevenBen
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de la saga X-Men et Les meilleurs films de 2017

Créée

le 17 juil. 2024

Critique lue 6 fois

Steven Benard

Écrit par

Critique lue 6 fois

D'autres avis sur Logan

Logan
Marvellous
9

The Last Stand

Le troisième film d'une saga a toujours été sujet de problèmes du côté de la licence X-Men. X-Men : The Last Stand était catastrophique par rapport à ce que Bryan Singer avait fait avec les deux...

le 1 mars 2017

155 j'aime

24

Logan
Vnr-Herzog
8

Blood Father

Il y a définitivement quelque chose de troublant dans Logan, dixième film d'une franchise boiteuse et dont l'état de mort cérébrale a été prononcé déjà plusieurs fois. L'histoire se déroule dans un...

le 2 avr. 2017

154 j'aime

16

Logan
Chaosmos
8

A History of Violence

Après le fiasco X-Men Apocalypse, le poids sur les épaules de James Mangold n'en était que plus lourd à porter. Ce dernier se devant d'achever une trilogie mais surtout un cycle ayant initié il y a...

le 1 mars 2017

130 j'aime

17

Du même critique

L'Initiation - Dragon Ball, tome 3
StevenBen
7

« Si tu veux un conseil, n’utilise pas toute ta force… » SANGOKU

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 18 oct. 2022

2 j'aime

3

Kaméhaméha - Dragon Ball, tome 2
StevenBen
7

« Il m’avait dit de ne pas la regarder mais je l’ai fait quand même ! » SANGOKU 

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 17 oct. 2022

2 j'aime

3