Qui parmi vous savais que Anthony Perkins, acteur ayant eu son heure de gloire dans de grands films des années 50 et 60 a eu un fils réalisateur ? Hm...vous êtes peu à lever la main. À qui est-ce que je parle bon sang, je suis en train d'écrire !
Longlegs est un thriller fantastico/horrifique américain sorti en juillet 2024 en France, et réalisé par Oz Perkins. Il raconte l'histoire de Lee Harker, une recrue du FBI ayant un petit don de médium. Rapidement remarqué par son supérieur, elle est placée sur une affaire tournant autour d'un tueur en série actif depuis 20 ans, répondant au sobriquet de Longlegs. Au fil de l'enquête, Lee se rend rapidement compte qu'elle est sur les traces d'un jeu de piste macabre dont elle pourrait faire partie.
Le film a été reçu comme un pétard mouillé à sa sortie. Moi-même j'ai été plutôt déçu, ayant retenu de bonnes choses mais surtout un foutoir plutôt confus. Et pourtant, en ayant revu le film ce soir, mon avis à changé (chose qui ne m'arrive quasiment jamais), et je dois admettre que cette oeuvre qui m'avait paru déroutante et imparfaite au premier visionnage a remonté dans mon estime.
Commençons par le BIG point fort de ce film pour moi, c'est la réalisation. Je sais que certaines techniques de cadrage et de mise en scène sont usées et rouillées depuis Scream mais là je les trouve particulièrement efficaces ! Certaines scènes, surtout au début nous plongent dans un monde opressant, froid, hostile et mystérieux qui préfère nous faire stresser en fixant les ténèbres plutôt qu'avec de vilains jumpscares.
Le fait de changer de format d'image pour montrer des flashbacks peut sembler anodin, mais ça s'avère être un repère qui fonctionne, et j'ai tendance à trouver ça assez inquiétant de voir ce cadre se refermer, comme une prison sur la protagoniste. Ajoutez à cette mise en scène angoissante des décors froids et désolés, et des couleurs à la fois flashy et pâles, et vous obtenez une palette sordide, irréelle et unique si on la compare aux autres films d'horreur de la décennie.
Je ne sais pas comment l'expliquer, mais l'esthétique de Longlegs me rappelle un peu celle de Shining. Hivernale, mais aussi "faussement confortable", avec ces maisons bien décorées qui renvoient à un passé perdu (les années 20 pour Kubrick, les seventies pour Perkins), une patte vintage qui a une véritable personnalité, bien plus que de simples hommages visuels et culturels comme dans MaXXXine, par exemple.
Ce puzzle à glacer le sang s'inspire beaucoup des histoires de tueurs en série des années 70 jsuqu'à 90, dans une Amérique rurale parfois hantée par des croque-mitaines bien réels. Des faits divers qui semblent absurdes et impossibles tant ils sont cruels. Certes, dans le cas de Longlegs, le parti pris du fantastique arrive à peu près au milieu du récit, évident pour le spectateur, mais pas tant que ça pour la protagoniste, qui nous force à rester rationnels.
En fait, j'ignore si il y a une réelle inspiration, mais certains choix du film m'ont eu l'air d'échos aux fictions d'horreur qui ont explosé sur Internet ces dernières années. L'"analog horror", qui s'inspire de l'esthétique des enregistrements VHS, des photos étranges et autres inserts abstraits effrayants semble trouver une petite incarnation sur grand écran. Pourquoi pas aussi y voir des références aux "creepypastas", des histoires effrayantes qui renvoient souvent à l'enfance, à des tueurs en série et à des objets prenant vie.
Mon point de vue est très générationnel, car d'autres personnes y verront plus une inspiration venant du Silence des Agneaux de Jonathan Demme, film de référence concernant les récits de serial killers. Mais bon, là où le film de Demme tire sa puissance d'une narration issue d'un excellent polar, celui de Perkins tient effectivement plus de la creepypasta écrite sur un blog.
Après revisionnage, je ne trouve pas que le scénario soit aussi raté que dans mes souvenirs. C'est juste qu'il faut accepter la part de fantastique qui arrive comme une grosse pilulle qu'on forcerait à nous faire avaler tout rond. Certains films de tueurs en série sont géniaux car la situation est cauchemardesque mais les protagonistes font face à rien de plus que des hommes de chair et de sang qui ont vrillé dans les recoins les plus sombres de leur cerveau. Mais ici, le choix d'inclure de l'occulte casse un peu cette force et cette peur qu'on peut éprouver en voyant Monsieur-tout-le-Monde devenir un être proche de la bête, sans qu'il n'y ait de magie derrière.
Remarque, ce n'est pas vraiment un mauvais choix ! Pourquoi devrait-on se plaindre d'une oeuvre qui garde ses distances avec ses influences, alors que le public râle dès que les références sont trop évidentes ? Car en réalité, à part le fait qu'il y ait un tueur en série et que l'agent du FBI soit une femme, les similarités avec Le Silence des Agneaux sont moindres !
Pensons également à saluer la performance de ce bon vieux Nic Cage, qui certes, restera à jamais dans l'ombre du Buffalo Bill de Ted Levine, mais parvient à être un méchant efficace. Le visage joufflu et ratatiné, la peau pâle, amateur de Glam Rock, et à la voix tordue, on dirait un peu un croisement entre Tiny Tim et un démon ! Si au final il s'avère assez passif, il reste une figure marquante qu'on craint de voir exploser à chaque instant qu'il apparaît à l'écran.
Certes, certes, Longlegs est imparfait, certains thèmes peuvent s'avérer edgy, des éléments de l'enquête ne sont pas vraiment nécessaires, il ne porte pas de réelle réflexion, maaaaaiiis...si vous l'avez vu et que vous l'avez trouvé seulement correct, je vous en prie, regardez-le à nouveau. Sincèrement, ça a été un revisionnage bénéfique, et qui m'a permit de comprendre que le scénario, aussi brouillon qu'il puisse paraître, n'est pas si mal introduit quand on accepte dès les premiers instants à plonger dans trip sanglant et tordu.
Pour moi, Longlegs sort de la masse grouillante des films d'horreur mainstreams infects qui polluent le cinéma de genre de ces dix dernières années. Comme dit, le propos n'est pas révolutionnaire, mais le traitement s'avère efficace, car c'est un véritable cauchemar qui s'imprime dans notre rétine et nos tympans. Un thriller horrifique culte à en devenir à recommander à vos amis fans de T.Rex et Lou Reed, et à votre voisin bizarre.
Ah et au fait, quand vous-reverrez le film, ouvrez l'oeil pour repérer l'Homme du sous-sol. Avec un peu de chance, vous arriverez peut-être à le faire partir et à changer la donne.