Lost Highway : être ou ne pas être telle est toujours la question
Un film comme Lost Highway vous hante longtemps. Il n'est pas pour autant besoin de l'avoir revu souvent. Vous y revenez. Je pensais souvent à la fin. Je restais enfermé dans cette boucle et j'attribuais naïvement la puissance du film à son insolubilité. Lorsque Bill Pullman rentre chez lui et prononce à l'interphone cette phrase qu'on sait déjà qu'il va dire, qu'on redoute qu'il dise. On a ce même sentiment de terreur que lorsque Lynch filme les couloirs : n'y va pas. Et on sort de la salle avec ce malaise.
Pourtant le film ne s'achève pas là-dessus.
Le film s'achève sur la poursuite, sur la fuite, sur la route, sur la nuit. Ce qui empêche le film de boucler sur cette absurdité existentielle, c'est la possibilité qu'il reste au personnage de s'échapper. La boucle dénonce l'incapacité du personnage à se définir par son être. Autrement dit, être ceci ou cela, celui-ci ou celui-là, ici ou là, cela n'a pas de sens. Seule demeure la fuite, la transition d'un état à un autre et c'est dans cette transition que j'agis et que je peux être. Le jour de mon existence est vide et condamné au néant. C'est dans la nuit, sur la route, où je transite que j'arrive.
Ainsi Lost Highway raconte peut-être le parcours d'un personnage vers son statut de non-être.
De là tout un champ de réflexions s'ouvre à propos de la substance, de la nature, du statut de l'existant. Et je pense que les films de Lynch (mais je suis de parti pris : Lynch a été l'une des rencontres les plus décisives, me concernant, avec le cinéma.) ont cette portée ontologique que je n'aurai pas la prétention d'explorer ici.