Avec ce premier long-métrage, l'acteur et maintenant réalisateur canadien Ryan Gosling cherche de toute évidence à briser l'image de sex-symbol acquise tout au long de sa carrière tout en obtenant la crédibilité qu'il souhaite en tant que cinéaste. Affichant un casting relativement nouveau, soutenu par Christina Hendricks, avec qui il joua dans Drive, et une mise en scène personnelle et déroutante, Lost River est donc un film que j'attendais au tournant. Alors, pari réussi ?
Lost River est pour le moins une création étrange. Possédant de toute évidence son propre univers visuel (même si la plupart des effets de mise en scène découle de l'influence de Nicolas Winding Refn), Gosling crée un monde à part, le sien, à la fois glauque et mélancolique, empreint d'une certaine beauté. Les trois personnages principaux (Billy, la mère de famille, son fils aîné Bones et Rat, sa pseudo-petite amie et voisine d'en face) semblent avoir du mal à y trouver leurs repères, évoluant dans ce monde froid et dangereux parce qu'ils y sont forcés. En effet, Lost River est une ville sombre et macabre, qui étouffe ses habitants et dans laquelle la perversion semble être la seule porte de sortie possible, en témoigne ce cabaret d'un nouveau genre, où les numéros mettent en scène des simulacres de mises à mort.
Malheureusement, derrière cet univers fascinant se cache un vide scénaristique béant, et qui, malgré l'absence de véritables enjeux, parvient à être incohérent :
Non seulement cette histoire de malédiction arrive trop tard et de façon bien trop brutale pour être considérée par le spectateur comme un enjeu à part entière, mais le fait que Rat sache comment l'annuler est tout simplement injustifié.
De plus, plusieurs des choix de Gosling semblent étranges, voire carrément stupides. Ainsi, parce qu'il est sûrement plus un animal qu'un homme, le personnage de Bully, l'antagoniste, interprété par le méconnaissable ex-Doctor Who Matt Smith, se retrouve à hurler à la mort face caméra, ce qui n'étoffe absolument pas ce méchant tout à fait classique et se révèle donc vain.
Au final, le résultat est en demi-teinte : certes, le film est d'un point de vue esthétique irréprochable mais il ne fait rien de cet acquis, se reposant tranquillement sur son scénario, bancal et aux airs de déjà-vu. Et c'est plutôt logique, Gosling commettant en fait les mêmes erreurs déjà commises par Nicolas Winding Refn dans Only God Forgives, un film qui passa à côté du statut de chef d'oeuvre pour retomber au stade d'oeuvre prétentieuse et à l'esthétisme lourdingue. Croisons les doigts pour que le jeune réalisateur, si il remet le couvert, soit plus précautionneux à ce sujet, car il serait dommage de nous resservir un film aussi moyen.