J'ai toujours un peu été impressionnée par Pialat et c'est la retrospective Arte qui m'a poussée à me lancer : j'ai regardé Loulou et ce film est bouleversant.
J'ai adoré la façon dont on part d'une banale histoire d'adultère pour finalement tirer plein de fils hyper riche. Rien que par la diègese, le film pose plein de questions : c'est aussi une histoire de lutte des classes, de quête du bonheur, de recherche de l'autre et de soi. Pourtant rien n'est lourd ou didactique, tout est juste là, tout nous est donné sans mensonge et c'est vraiment fort.
Il y a plein de séquences saissisantes. Ma préférée c'est celle du repas de famille (et je ne crois pas que ce soit juste parce que j'adore les scènes de repas), il y a de la durée, du mouvement, de l'émotion. C'est pas juste des visages et des discours, c'est aussi des mains, des bouches, des plats qui se passent, puis l'espèce de choc qui est pas dit mais qui se voit entre Nelly et les autres personnages. Je crois que la scène est d'autant plus touchante qu'elle suit immédiatement une autre scène de repas froide, violente socialement avec le frère de Nelly. J'ai aussi beaucoup aimé la séquence où le montage alterné nous montre tantôt le couple enlassé, nu, heureux, tantôt le mari seul, triste et qui, vu comme on l'a apperçu violent plus tôt, l'a bien mérité. J'ai trouvé le plan d'ensemble sur les corps hyper éloquant.
Ce qui me mène au point suivant : la présence du corps. C'est un film sans pudeur, un film qui envisage le corps dans tout ces états les plus basiques : on boit, on mange, on marche, on se bat, on fait l'amour. D'ailleurs j'ai adoré que la scène de bagarre en famille aille justement jusqu'à une forme d'épuissement des corps, on sent par cette durée tout le drame qui se joue là. Mais au delà de l'absence de pudeur des personnages, c'est aussi un bon moyen de dire de façon extrêment visuelle la société de classe. Loulou a les cheveux gras, il porte des vêtements abimés, il est ivre donc il titube, il rit la bouche grande ouverte, il dort en slip. André est coiffé, porte des costumes, il se tient droit, sourit discrétement, il dort en peignoir. Nelly est la seule qui oscille pleinement entre les deux : on la voit coiffée et décoiffée par exemple, selon les scènes et l'évolution de la diégèse, comme un reflet de son état d'esprit.
Évidemment, je ne peux pas ne pas parler de la violence de l'avant dernière séquence. Ceux qui sont sans le sous, quand ils désirent un enfant, doivent parfois y renoncer. La scène du retour de l'hopital est peut être la seule où l'on sent une forme de pudeur. Peut être plutôt une honte ? On repousse le moment de dire pourquoi on a du abandonné le petit. D'ailleurs, on ne dit pas vraiment qu'il a été abandonné.
Bref, j'ai trouvé ce film brillant sur bien des aspects. Merci Arte !
(ah et j'ai failli oublié mais Depardieu est vraiment excellent - quoique Maurice Pialat n'était pas du même avis pendant le tournage - et j'ai été agréablement surprise par Isabelle Huppert)