C'est presque un film sans équivalent. On pourrait à la rigueur le rapprocher de The host du voisin Bong Joon-ho ou de Love exposure de Sono Sion lui-même, dans ce foisonnement qui est autant un maelstrom visuel et sonore qu'une fable touchante, souvent très drôle, presque pure.
Pour se faire une petite idée, il faut imaginer Ziggy Stardust croisant Gamera (cousine tortue de Godzilla) dans une réécriture de la légende de Noël façon Toy story ou Tim Burton, le tout ancré dans un Japon contemporain schizophrène toujours traumatisé par la bombe H et vantant les mérites des Jeux Olympiques de 2020.
Le scénario a vingt ans, et si Sono Sion l'a rendu contemporain, on mesure son désir de le porter à l'écran dans l'impressionnante maîtrise d'une mise en scène qui ne laisse rien au hasard. Parfaitement rythmé, sans aucun vide tout en prenant régulièrement le temps de ralentir la cadence, Love & peace propose un cinéma global, riche mais pas bordélique, baroque mais fluide. Il y a la tortue Pikadon devenant un kaiju adorable, les jouets qui parlent, l'hôtel de ville de Tokyo s'écroulant, la démesure d'un chanteur dépassé par les événements, l'amour de Yuko pour Ryo, le tout s'articulant à merveille sans que l'on perde le fil.
Comme souvent chez le cinéaste, la satire sociétale et politique transparaît par bribes, ici dans la première séquence, dans les paroles de la chanson éponyme (puis dans l'ascension de Ryo), alors que le fond est infiniment romantique, presque naïf. Sono Sion ose les situations impossibles ou grotesques dont les miroirs déformants se renvoient l'image d'un monde proche du chaos. Mais si l'ambiance est survoltée, l'atmosphère reste légère, Love & peace fait davantage appel au cœur qu'à la raison.
Dominé par la prestation incroyable de Hiroki Hasegawa (Why don't you play in hell ?), porté par une BO glam & rock au diapason, souffle grisant, conte aux mille vertus, Love & peace est littéralement jouissif !