Pour la bonne raison que je n'ai pas encore vu le premier et précédent film de la réalisatrice Rose Glass, Saint Maud, je m'abstiendrai évidemment de faire la moindre comparaison. Ceci étant dit, Love Lies Bleeding...


Alors, pour commencer, on capte tout de suite que c'est une production A24. En effet, le visuel, avec ses couleurs délavées, pour représenter les années 1980, m'a fait immédiatement penser à celui de The Iron Claw. J'ai même été vérifié si les deux œuvres n'avaient pas en commun le même directeur de la photographie (ce n'est pas le cas !). À croire qu'il y a maintenant une sorte de charte graphique à respecter à ce niveau-là. Les seules fois lors desquelles Glass sort de cette esthétique, c'est quand elle plonge ses personnages et les spectateurs dans des hallucinations, dans un passé hanté ou dans un défoulement salvateur. Là, en ce qui concerne la forme, lors de ce type de séquences, il y a de la créativité.


Autrement, la cinéaste fait beaucoup appel à l'abstraction, aux non-dits, dans la caractérisation de la plupart de ses caractères. Ce qui estompe un gros manichéisme des genres, car quand il y a un homme blanc qui traîne dans les parages, c'est automatiquement un connard puissance 10000. Estompé, parce qu'on comprend que tout le monde a sa part d'ombre et de toxicité. Par exemple, on saisit que la jeune femme, jouée par Kristen Stewart, est bien plus proche psychologiquement de son ordure de père qu'elle ne le souhaiterait, et certaines de ses attitudes, certains de ses actes provoquent le mépris le plus profond.


Reste que la plus grosse faiblesse de tout l'ensemble réside dans un des protagonistes, celui interprété par Katy O'Brian. Que ce soit bien clair, l'actrice n'y est pour rien. Son jeu est irréprochable. Elle a tout autant de charisme que ses partenaires. La caméra l'aime bien. Le problème se situe dans l'écriture. Alors la bodybuildeuse, qu'elle est, s'injecte une piqure de stéroïdes et paf, elle devient Hulk... comme ça, avec de grosses pulsions meurtrières. Ben dis donc, à ce compte-là, rentrer dans une salle de sport doit être plus dangereux que d'aller en Seine-Saint-Denis.


Attention, là aussi, que ce soit bien clair, je sais pertinemment que les stéroïdes ont la fâcheuse tendance à rendre celles et ceux, qui prennent ses saloperies, considérablement plus agressifs. Non, ce que je veux mettre en avant, c'est que la réalisation donne l'impression qu'il suffit d'une petite piquouse et voilà Hulk... ou plutôt She-Hulk. Cela aurait été nettement plus convaincant si le tout avait intégré un montage, lors duquel on assiste à un engrenage sans fin, avec de nombreuses injections, avec le début des conséquences physiques et mentales, sur plusieurs semaines ou plusieurs mois (pour être précis, il y a bien un montage de cette sorte, mais ce qui est montré s'assimile plus à la routine normale d'une athlète qu'autre chose !). En plus, cela aurait aidé à entrer en empathie avec la souffrance de l'addict. Cette dernière, au passage, se cantonne ici, quasiment, qu'à se comporter comme une She-Hulk en puissance, à chaque fois qu'elle apparaît. Pour la profondeur, on repassera.


Heureusement, pour conclure sur une note positive, que les comédiens sont excellents. Mentions spéciales à Kristen Stewart (j'ai adoré, à un moment donné de l'intrigue, la réaction débile, dans l'expression de son visage et dans les sons incohérents sortant de sa bouche, que son personnage a, lorsqu'il est pris, d'une façon choquante, par surprise... comme le spectateur d'ailleurs... c'est d'une très grande crédibilité !) et à Ed Harris qui (comme Javier Bardem l'avait mémorablement et magistralement déjà prouvé !) met en exergue qu'une coupe de cheveux complètement ridicule (ouais, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Fuchur de L'Histoire sans fin !) n'enlève rien au côté flippant d'un antagoniste cruel, particulièrement tordu.

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le 12 juin 2024

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Plume231

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