Voir Jeff Nichols s'attaquer à une histoire vraie pouvait laisser croire que celui-ci céderait à un certain académisme propret : ça n'est pas vraiment le cas. Classique, certes, mais avec de la personnalité. Que ce soit le choix de certains plans, la beauté de la photographie et surtout la relation entre les deux héros, l'auteur de « Midnight Special » évite habilement les pièges du genre pour développer un récit à la fois intimiste et ancré dans un contexte historique bien précis, exploité avec soin sans pour autant écraser l'histoire d'amour des époux Loving.
Et cette histoire, peut-être pas aussi émouvante qu'espérée (c'est parfois le problème dans ces cas-là : la sobriété étouffe en partie l'émotion), je trouve son traitement vraiment fort : quasiment aucune musique, beaucoup de regards, de non-dits, quelques mots suffisant parfois à exprimer énormément, pas de « glamour » mal placé : juste deux personnes voulant vivre leur amour que des lois honteuses tentent d'empêcher. Si on connaît l'histoire (comme c'était mon cas), il n'y aura d'ailleurs pas de grande surprise tant les différentes étapes sont logiques, voire presque prévisibles.
Mais elles sont traitées avec clarté, permettant de bien mettre en lumière les différentes visions (parfois effrayantes) de la société américaine des 50's sans pour autant chercher le spectaculaire facile. Enfin, si Joel Edgerton est très convaincant en mari aimant et peu à l'aise oralement (euphémisme), il est quelque peu éclipsé par Ruth Negga, à la fois d'une grande sobriété et profondément touchante tant elle exprime beaucoup avec seulement un sourire, un geste, une intonation : on espère la revoir très vite. Pas de bouleversement en vue donc, mais une belle histoire d'amour traitée avec intelligence et sensibilité : Nichols confirme joliment son statut d'auteur hollywoodien.