À première vu on peut penser que le dernier film de John Carol Lynch, est une œuvre poussiéreuse, contemplative et surtout terriblement triste. Difficile en effet, d’aller voir sereinement Lucky quand on sait que c’est en quelque sorte le film testament de la légende Harry Dean Stanton, acteur récemment disparu mais à jamais présent dans les mémoires du 7e art. Difficile également de partir voir le film le sourire au lèvre, lorsque l’on a lu le synopsis de l’œuvre : Lucky, vieil habitant d’une minuscule ville située en plein milieu du désert, oubliée par la mort, écoule ses jours de nonagénaire avec une habitude de vie où la relation avec l’autre est rarissime. Bref, Lucky apparaît comme un film dur.
Et pourtant, il n’en est rien. Au contraire, les scènes qui se succèdent finissent par nous insuffler un sentiment de bonheur puissant. Lucky est film d’apprentissage. Le vieil homme éponyme, malgré son âge avancé, se décide à ôter sa carapace, et à affronter la mort. Face à la vanité de l’existence, il se lance avec difficulté, dans une quête de soi qui passe par la quête des autres, que cela soit les vieux amis du bar, la vendeuse latino du village, ou les propriétaires du café local. C’est alors le visage d’une Amérique profonde mais mixte, ouverte à la différence qui se dévoile. Ce film nous montre un parcours du combattant, celui d’un homme qui doit accepter qu’un jour, sa vie s’éteigne. Ce défi, Lucky le relève avec humour, poésie et une énergie qui vous réchauffe le cœur.
Le film ne s’arrête pas là. C’est un joyeux mélange qui bouillonne. Certains personnages symboliques, comme la tortue d’Howard, interprété par un David Lynch exceptionnel, frise l’absurde. Par leur coté apaisant et leur poésie, ces 88 minutes de visionnages semblent être à la croisée d’un Paris Texas (Wim Wenders) et d’un Paterson (Jim Jarmush), avec en arrière-plan les décors d’un vieux western poussiéreux. D’autres influences sont perceptibles ; John Caroll Lynch a lui-même avoué qu’on pouvait déceler des ressemblances avec l’ambiance Twin Peaks. C’est notamment le cas je pense avec le rêve électrique de Lucky.
Vous l’aurez compris, John Caroll Lynch délivre ici du beau cinéma, émouvant, subtil, poétique mais pourtant d’une grande simplicité. C’est justement peut être cette simplicité qui nous amène à considérer Lucky, comme un chef d’œuvre à part entière…
PS : à bien des égards, le personnage de Lucky semble être inspiré de la vie de l’acteur Harry Dean Stanton. Cet acteur est vraiment incroyable ; checkez les liens !
https://www.youtube.com/watch?v=Es0eqphsMas
http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-262/biographie/