De lumière d’été il ne sera question qu’après que les personnages de ce mélodrame tortueux situé en montagne, feront tomber les masques lors d’un bal masqué où le style si distant et discret de Grémillon volera en éclats dans un déchaînement de ritournelles et de tournoiements où la caméra se mettra à virevolter comme dans un film de Max Ophüls.
A défaut de ville côtière ou de grands espaces aériens, l’auteur de Remorques emmène tout son monde dans un paysage de montagne ou la rocaille n’a d’égal que la complexité des sentiments entretenus par des personnages en proie au désir de l'être du sexe opposé qu’ils ne parviennent pas à posséder dans un chassé-croisé sentimental aux accents de tragédie grecque.
Il y a l’innocente Michèle interprétée par Madeleine Robinson, qui arrive dans ce lieu où l’on doit crapahuter pour atteindre sa destination, une auberge tenue par Crici, à qui Madeleine Renaud prête ses traits. Elle vient y rejoindre Roland, à qui Pierre Brasseur prête…sa voix au timbre si particulier, un peintre raté alcoolique, pour finalement y trouver Julien le maître d’œuvre d’un chantier de construction d’un barrage. Cricri, elle est éprise de Patrice, intarissable Paul Bernard, Aristocrate égocentrique, qui n’a d’yeux que pour la nouvelle arrivante. Toute cette clique va finir par se dévoiler dans un jeu de théâtre ténébreux qui les conduira sur des chemins sinueux où le moindre virage peut-être fatal.
On retrouve encore une fois le goût de Jean Grémillon pour une mise en avant des décors naturels, cette propension à donner vie aux divers éléments, allant jusqu’à les intégrer comme véritables interprètes de sa scénographie. Sa sympathie des gens qui travaillent aussi, ici il ira même jusqu’à mettre en avant sa préférence pour les ouvriers ou le serveur de l’auberge interprété par un hilarant Charles Blavette, en opposition à l’orgueilleux châtelain, les conflits de classe par extension.
Jeux d’amour et manipulation des sentiments sont cette fois mis en avant dans ce grand jeu de désirs de possession de l’autre au bord du précipice.